La Laïcité et les Moyens de la Préserver - Livre blanc

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La Laïcité et les Moyens de la Préserver - Livre blanc

A l’heure où les débats sur le projet de Loi confortant le respect des principes de la République ont commencé à l’Assemblée Nationale, il nous a semblé judicieux de réfléchir aux moyens de l’enrichir et de l’améliorer, la où nous estimions qu’il pouvait l’être. Loin d'être exhaustifs et de couvrir tous les aspects d’un texte qui se veut majeur dans l’histoire de la cinquième République, nous nous sommes concentrés sur la partie du texte qui réforme la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.


Frédéric-Jérôme Pansier, Professeur en droit

Willy Fautré, Human Rights Without Frontiers

Massimo Introvigne, Center for Studies on New Religions


Frédéric-Jérôme PansierTitulaire de deux doctorats en droit et d’un en langue anglaise, Frédéric-Jérôme Pansier enseigne le droit depuis 1990. Il est chargé de conférence à l’Université Pantheon Sorbonne (Paris) et à l’Université Catholique de Paris. Il a publié 52 livres et plus de 3,000 articles dans des magazines spécialisés. Il est un contributeur régulier de la Revue de science criminelle et de droit pénal comparé depuis septembre 1990, et fut le rédacteur en chef des Cahiers Sociaux du Barreau de Paris, de juin 1998 à mars 2013.

 

Willy FautréWilly Fautré, ancien chargé de mission au Cabinet du Ministère Belge de l’Éducation et au Parlement Belge, est le directeur de Droits de l’homme sans frontières (Human Rights Without Frontiers International), une ONG basée à Bruxelles qu’il a fondée en 1988. Il a mené des missions d’enquête sur les droits de l’homme et la liberté religieuse dans plus de 25 pays. Il est chargé de cours au sein d’universités dans le domaine de la liberté religieuse et des droits de l’homme. Il a publié de nombreux articles dans des revues universitaires sur les relations entre l’État et les religions. Il organise régulièrement des conférences au Parlement Européen, notamment sur la liberté de religion ou de croyance. Depuis des années, il s’est engagé dans la défense de la liberté religieuse dans les institutions européennes, à l’OSCE et à l’ONU.

Massimo IntrovigneMassimo Introvigne est un sociologue italien des religions. Il est le fondateur et le directeur général du Centre d’études sur les nouvelles religions (CESNUR), un réseau international de chercheurs qui étudient les nouveaux mouvements religieux. Il est l’auteur de plus de 70 livres et de plus de 100 articles dans le domaine de la sociologie des religions. Du 5 janvier au 31 décembre 2011, il a été le « Représentant pour la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination religieuse, en particulier la discrimination à l’égard des chrétiens et des membres d’autres religions » de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). De 2012 à 2015, il a été président de l’Observatoire de la liberté religieuse, institué par le Ministère italien des Affaires Étrangères.

 


PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA REPUBLIQUE

La Laïcité et les Moyens de la Préserver

TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION

II. SÉPARATION, LAICÏTÉ, CULTE, ET RELIGION

A. Séparation des églises et de I'État
B. La loi du 9 décembre 1905 est un régime très libéral
C. La République garantit le libre exercice du culte
D. La République ne reconnait aucun culte

1. Cultes reconnus et cultes non reconnus
2. La neutralité négative
3. La neutralité positive et I'impartiaIité
4. Neutralité positive et respect de toutes les croyances et de l'ordre public
5. Aucune distinction entre les religions

III. DEFINITION ET IDENTIFICATION DE LA RELIGION

A. Pluralisme religieux
B. Constat de la religion selon le droit français et international

IV. AUTONOMIE DES COMMUNAUTES RELIGIEUSES, LIBRE ORGANISATION DU CULTE ET LIBRE CHOIX DU STATUT DU PERSONNEL RELIGIEUX

A. Principe d'autonomie dans le choix de I'organisation religieuse et de son fonctionnement
B. Refus de l'Eglise et vote de la loi du 2 janvier 1907
C. Acceptation des associations diocésaines de la loi de 1905 sans exercice du culte

V. LA PRETENDUE RECONNAISSANCE DES RELIGIONS PAR LE BIAIS DES ASSOCIATIONS CULTUELLES

A. Culte et association cultuelle ne sont pas synonymes

1. Associations cultuelles et définition étroite du culte
2. Similitude des mots culte et religion dans la tradition constitutionnelle française

B. Une définition étroite du mot culte entraîne une atteinte à la liberté de religion et une discrimination

VI. LE FAIT RELIGIEUX EST UN FAIT JURIDIQUE DONT LA PREUVE EST LIBRE

VII. APPLICATION AU PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA REPUBLIQUE

I - INTRODUCTION [⬆︎]

A l’heure où les débats sur le projet de Loi confortant le respect des principes de la République ont commencé à l’Assemblée Nationale, il nous a semblé judicieux de réfléchir aux moyens de l’enrichir et de l’améliorer, la où nous estimions qu’il pouvait l’être. Loin d'être exhaustifs et de couvrir tous les aspects d’un texte qui se veut majeur dans l’histoire de la cinquième République, nous nous sommes concentrés sur la partie du texte qui réforme la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.

Pour notre réflexion, nous avons dû rechercher ce qu’était réellement la laïcité, ce qu’elle sous-entendait autant que ce qu’elle entendait, quels étaient les fondements qui présidèrent à sa naissance et ce qu’elle avait signifié au cours des décennies qui se sont écoulées depuis lors. Nous avons aussi exploré les débats parlementaires, la doctrine, les interventions des commissaires du gouvemement, la jurisprudence liée à la laïcité, pour en extraire parfois des explications limpides, et parfois des contradictions fondamentales.

Il nous est apparu que le présent projet de loi représente une formidable opportunité de moderniser la loi de 1905, afin qu’à la fois elle puisse répondre à une situation qui a radicalement changé dans le paysage religieux français depuis 1905, mais aussi qu’elle puisse permettre de réaliser les objectifs que le gouvernement actuel s’est fixés (mais ils ne sont pas les seuls à se les être fixés), à savoir intégrer des religions nouvellement arrivées sur le territoire français, comme l’islam, dans son cadre.

Selon le Conseil constitutionnel[1] , les composantes du principe de laïcité sont:

- La République ne reconnaît aucun culte;

- La neutralité de l’État;

- Le respect de toutes les croyances;

- L’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion;

- La République garantit le libre exercice des cultes;

- La République ne salarie aucun culte.

Cependant, la France connaît quelques contradictions quant à l’application de ces principes. Notamment, on peut remarquer que si la République ne reconnaît directement aucun culte, elle doit tout de même en reconnaître indirectement lors de toute procédure qui impliquerait une acceptation par l’État de l’octroi des bénéfices qui résultent de l’aspect cultuel d’une association enregistrée selon la loi de 1905. Si l’État peut exclure du périmètre des bénéfices des associations dont le caractère cultuel ne lui semble pas établi, il reconnaît par opposition ceux des cultes dont le droit aux bénéfices a été reconnu.

Le Ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, lorsqu’il a été interrogé le 17 décembre par la Commission Spéciale en charge du projet de loi, a déclaré à propos de ce dernier:

Nous n'avons pas souhaité y mettre des dispositions visant à organiser les cultes à la place des cultes. Il leur appartient de s'organiser conformément aux principles républicains, sans que nous ayons à choisir qu'est-ce qu'un bon ministre du culte ou sans que nous ayons à choisir quel est le bon fonctionnement d'un culte. Le Ministre de l'intérieur n'a pas vocation écrire un certain nombre de discours religieux, en tous cas depuis bien longtemps ça n'est plus sa fonction et il ne souhaite pas le redevenir.

Nous souscrivons à cette vision: c’est l’essence même de la laïcité que de n’avoir pas à faire le choix d’une religion par rapport à une autre, et surtout de respecter l’autonomie organisationnelle des différents cultes, tout en garantissant un traitement non discriminatoire à leur régard.

Or, la jurisprudence sur le sujet a peiné à évoluer tandis que le paysage religieux français s’est transformé considérablement depuis la promulgation de la loi de 1905.

Le gouvernement, en souhaitant inciter fortement les associations de loi 1901 (principalement musulmanes, mais pas seulement) à rejoindre le régime des associations cultuelles de loi 1905, franchit un palier supplémentaire dans le contrôle étatique des cultes. Pour cela, il a inscrit dans le projet de loi l’obligation pour les associations de loi 1901 ayant un caractère cultuel (comme les y autorise la loi du 2 janvier 1907), de se soumettre à certaines contraintes qui, jusqu’alors, ne concernaient que les associations loi 1905, sans pouvoir bénéficier des avantages liés à la reconnaissance de leur caractère cultuel selon cette dernière loi.

Malheureusement, il y a fort à parier que cette harmonisation des contraintes, quel que soit le mode d’exercice librement choisi, ne suffira pas à provoquer un réel changement de paradigme et à inciter les associations loi 1901 à rejoindre le régime de la loi 1905. La raison est simple: le régime 1905 repose sur une définition trop étroite - et désuète – de l’exercice du culte, héritée d’un avis du Conseil d’Etat, qui réduit celui-ci à « La célébration de cérémonies organisées en vue de l'accomplissement par des persone réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques »[2].

Cette définition excessivement restrictive - qui n’est pourtant pas un corolaire nécessaire de la loi, ni dans l’esprit, ni dans la lettre – est captive du contexte sociétal, fortement marqué par les religions monothéistes traditionnelles, dans lequel est intervenu l’avis du Conseil d’Etat. Mais elle exclut de facto les associations dont les pratiques cultuelles ne se réduisent pas aux seules cérémonies, bien que leur objet soit exclusivement l’exercice d’un culte.

En effet, des dispositions de l’article 18 de la loi de 1905 découle le fait que les associations qui revendiquent le statut cultuel doivent « mener des activités ayant exclusivement pour objet l'exercice d'un culte, telles que l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des edifices servant au culte ainsi que l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte ».

La jurisprudence indique que « la poursuite par une association d'activités autres que celles rappelées ci-dessus est de nature, sauf si ces activités se rattachent directement à l'exercice du culte et présentent un caractère strictement accessoire » à « l'exclure du bénéfice du statut d'association cultuelle »[3].

Or, le respect effectif de la diversité des religions librement exercées sur le territoire français interdit de limiter la pratique du culte à la célébration de cérémonies, même en y incluant quelques pratiques au caractère « strictement accessoire ». Ne souhaiterait-on pas qu’une association dont l’objet est l’etude religieuse du Coran ou de la Thora puisse s’inscrire dans le cadre de la loi de 1905? Il ne s’agit pas ici de l’enseignement de la religion dans un cadre universitaire ou scolaire, mais de l’édification et de l’instruction des fidèles et des personnels religieux aux principes de leur religion.

Et quid d’une association bouddhiste qui organiserait des pratiques de méditation, sans célébration particulière? Et quid encore d’une association qui donne une instruction religieuse en ligne?

Nous pensons que oui, et qu’il faut saisir l’opportunité qui nous est offerte afin de modemiser, pour en élargir la portée, le cadre de l’application de la loi de 1905. L’esprit de la loi est d’offrir à tous les cultes un cadre semblable pour s’exercer, sans pour autant s’ingérer dans l’organisation inteme des cultes, ou comme le disait le Ministre de l'Intérieur, sans « choisir quel est le bon fonctionnement d'un culte ». C’est ici le respect de l’autonomie des cultes, reconnu aussi par la Cour Européenne des Droits de l’Homme comme un principe fondamental. C’est aussi finalement le souhait actuel du gouvemement et d’autres, de faire en sorte qu’un maximum d’associations puissant entrer dans ce cadre, qui offre certes des avantages, mais aussi des obligations don’t l’essence même est le respect de la laïcité.

Il ne s’agit évidemment pas d’ajouter une définition du culte à la loi de 1905. Au contraire, le législateur s'est prudemment gardé de le faire jusqu'à présent, dans le respect du principe de laïcité. Par ailleurs les activités que nous venons d’évoquer sont en fait soit directement des exercices du culte, soit des accessoires à l’exercice du culte. Mais elles ne sont pas des célébrations ou des accessoires à la célébration.

En outre, dans ce projet de loi où l’on impose aux associations de loi 1901 à but cultuel de se conformer aux obligations de plusieurs articles de la loi de 1905, on risque sans s’en rendre compte de leur permettre de s’en exonérer, dès lors que leur objet n’est pas exclusivement « La célébration de cérémonies organisées en vue de l'accomplissement par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques ».

Il s’agit donc aujourd’hui, pour le législateur, de faire en sorte que la loi de 1905 permette à la fois au plus grand nombre possible d’associations, dès lors qu’elles sont des associations à objet religieux, de s’inscrire dans le cadre de la loi de 1905, tout en offrant au juge des principes fondamentaux clairs qui lui permettent de faire son office en se fondant sur des critères objectifs, non discriminant, respectueux de l’autonomie des cultes quant a leur organisation inteme, et suffisamment inclusifs pour généraliser le recours au régime associatif de la loi de 1905.

Pour que la loi soit en phase avec les piliers de la laïcité tels qu’ils résultent de la tradition constitutionnelle française et du droit intemational, et qu’elle respecte les voeux et objectifs poursuivis par le Gouvemement, il est souhaitable d’y inscrire clairement:

- Le principe d’autonomie des cultes qui garantit la libre organisation des religions en fonction de leurs principes religieux;

- Le fait que la République, ne reconnaissant aucun culte, n’en donne aucune définition et que la loi s’applique par conséquent à toute religion identifiable;

- Le fait que les activités cultuelles comprennent tout acte se rattachant à l’exercice, au soutien, au financement, ainsi qu’à l’entretien du culte, de ses ministres, et de ses personnels religieux, et des lieux de culte, ainsi que toute activité accessoire s’y rattachant par un lien suffisant, à l’exclusion des activités sociales, philanthropiques, caritatives, ou culturelles.

II - SÉPARATION, LAICÏTÉ, CULTE, ET RELIGION [⬆︎]

Selon le Conseil constitutionnel, les composantes du principe de laïcité sont:

- La République ne reconnaît aucun culte;

- La neutralité de l’État;

- Le respect de toutes les croyances;

- L’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion;

- La République garantit le libre exercice des cultes;

- La République ne salarie aucun culte[4].

Immédiatement, on aperçoit la fusion Presque totale entre les règles de la loi de 1905 et le principe de laïcité à la française énoncé dans le préambule de la constitution de 1946 et dans la constitution du 4 octobre 1958.

A. SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L'ÉTAT

Avant la loi du 9 décembre 1905, le Concordat napoléonien avait institué un régime qui fut ensuite qualifié de « cultes reconnus », lesquels étaient considérés comme des établissements publics placés sous le contrôle étroit du Gouvemement français.

Selon une étude ancienne sur les origines du budget des cultes, le Concordat a « eu pour but de restaurer le culte, de le constituer à l’état de service public et de faire du clergé un corps administratif »[5].

Au Concordat proprement dit se sont ajoutés des articles organiques unilatéralement adoptés par le Gouvemement français sans avoir consulté les intéressés, inaugurant une véritable immixtion de l’État dans l’organisation intérieure des cultes « reconnus » et permettant aux autorités publiques de se mêler des questions de dogmes et de morale religieuse. En effet, s’agissant du culte catholique, aucun acte provenant du Vatican ne pouvait être reçu, publié, imprimé, ni mis à exécution, sans l’autorisation du gouvernement français, conformément à l’article 1er des articles organiques. L’État français avait le pouvoir de déterminer les circonscriptions ecclésiastiques et de prendre part à la nomination des autorités religieuses.

Les synodes organisés par les cultes protestants étaient eux aussi soumis au régime de l’autorisation et leurs décisions devaient être approuvées par le Gouvemement. Or, l’objet de ces synodes était principalement religieux.

En abrogeant le régime autoritaire des cultesdits « reconnu », la loi du 9 décembre 1905 a mis fin au Concordat.

La loi dite de Séparation des Églises et de l’État a adopté une conception très libérale des rapports entre les religions et la puissance publique et a institué un régime juridique de la religion qui, aujourd’hui, est le socle du droit des cultes.

B. LA LOI DU 9 DECEMBRE 1905 EST UN REGIME TRÈS LIBERAL

Pour résumer la situation avant l’ouverture des débats de la loi de 1905, un auteur écrit « qu’à partir du jour où Gambetta, Jules Ferry et leurs amis eurent mis la main sur le Gouvemement de la France, la caractéristique du régime fut la guerre au catholicisme »[6].

La IIIe République a en effet mis en oeuvre une politique très anticléricale, essentiellement contre l’Église Catholique. Son paroxysme a été atteint sous le Gouvernement d’Émile Combes, ancien séminariste défroqué sumommé le « Petit Père Combes » en raison de son opposition farouche à l’Église Catholique.

Cependant, en 1902, sous le Gouvemement Combes, ce sont les parlementaires qui ont eu l’initiative de la loi de Séparation en déposant 8 propositions de lois.

En juin 1903, une Commission parlementaire a été instituée pour examiner ces propositions avec pour rapporteur M. Aristide Briand, lequel deviendra célèbre pour son rôle dans l’adoption de la loi de 1905.

Le 30 juillet 1904, Combes a pris la decision radicale de rompre les relations diplomatiques avec Rome. Cependant, il ne pourra poursuivre sa politique anticléricale car il tombera à la suite du scandale dit des « fiches » établies par l’armée française sur les militaires suspectés de catholicisme.

Ce sont donc les parlementaires qui ont joué le rôle le plus essentiel dans l’adoption de la loi de 1905, dont Aristide Briand, son rapporteur, et Jean Jaurès, le tribun socialiste.

La droite, les monarchistes et l’Église catholique, voulaient le statu quo. L’abbé Gayraud a plaidé pour « l’union de la société civile et de la société religieus ». D’une part, ils considéraient que « c’est le projet de destruction de l’Église par l’État »[7] et, d’autre part, selon Aristide Briand, « le Concordat Napoléonien permit à l’Église de se reconstituer et d’acquérir, au cours du 19ème siècle, une puissance égale à celle que nous lui avons connue quelques années avant la Révolutio »[8]. Il ne faut pas oublier non plus que le Concordat était un contrat, tandis que la Séparation était un acte unilatéral s’imposant à l’Église.

L’extrême gauche, dont l’un des plus farouches partisans était le député Maurice Allard, poursuivait « a lutte contre l’Église qui est un danger politique et un danger social », considérant le christianisme comme « un obstacle permanent au développement social de la République et à tout progrès vers la civilisation ». Elle militait pour un « projet de suppression de l’Église par l’État »[9].

Face à ces deux tendances extrêmes, un parti modéré s’est constitué, comprenant notamment le rapporteur de la loi, Aristide Briand et le député Jean Jaurès comme les principaux meneurs.

La Commission Briand va accomplir un travail titanesque aboutissant à un rapport parlementaire très argumenté ainsi qu’à un avant-projet qui sera soumis au vote de la Chambre des députés au printemps 1905. Un millier de pages composent les process verbaux de ses débats.

Jaurès, grand partisan de la Séparation, déclare: « nous ne faisons pas une oeuvre de brutalité; nous ne faisons pas une oeuvre de sournoiserie; nous faisons une oeuvre de sincérité. C’est là le caractère du travail de la commission, et voilà pourquoi je m’y rallie »[10].

Socialiste mais croyant, le député soutient bec et ongles le projet de la Commission en s’opposant à tout ce qui « pourrait ressembler à une atteinte au libre exercice des cultes »[11]: « La France n’est pas schismatique, elle est révolutionnaire ». Dans cette fameuse formule, il énonce que la République n’est pas en lutte contre les religions, elle est toumée vers le progrès de l’Homme, ce qui, selon lui, passe par une révolution sociale et pacifique.

De nombreux parlementaires de tous les partis s’inscrivaient dans cette optique au point que Marcel Sembat, membre du groupe révolutionnaire de la Chambre, déclarait: « j’en suis tellement désireux que je suis résolu à voter une séparation libérale... Je ne considère pas la séparation comme un instrument de persécution »[12].

Mais l’artisan principal de la tonalité libérale de la loi, c’est avant tout Aristide Briand, et ceci dès l’introduction de son rapport où il déclare que son objectif est une « séparation loyale et complète des Églises et de l'État » et où il précise que « ce régime est le seul qui, en France, pays où les croyances sont diverses, réserve et sauvegarde les droits de chacun »[13].

Dans la conclusion du rapport, il évoque le libéralisme du nouveau système en indiquant aux députés « qu’en votant, vous ramènerez l'État à une plus juste appréciation de son rôle et de sa fonction » dont il a auparavant résumé la teneur: « il n'est plus personne pour contester sérieusement que la neutralité de l'État en matière confessionnelle ne soit l'idéal de toutes les sociétés modemes ».

Le Vice-président du Conseil d'État l'a récemment rappelé de manière très claire:

Mais la construction française de la laïcité, et en particulier la loi du 9 décembre 1905, est avant tout libérale. C'est bien le sens de l'article premier de cette loi, qui proclame: « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées [...] dans l'intérêt de l'ordre public ». La liberté est en son coeur, c'est-à-dire à la fois la liberté de conscience, mais aussi la liberté de vivre sa religion dans la sphère privée comme, avec certaines restrictions toutefois, dans la sphère publique. Le juge administratif applique d'ailleurs en cette matière le régime des libertés publiques, selon lequel la liberté est la règle et la restriction de police l'exception[14].

C'est aussi ce qu'indiquait déjà le Conseil d'Etat dans son rapport de 2004 intitulé « Un Siècle de laïcité »:

Le juge administratif a pour sa part joué dans l'interprétation libérale de la loi un rôle conforme aux voeux du législateur... S'il ne pouvait que tenir compte de la rupture entre l'État et les Églises consacrée par la loi de 1905 et en tirer les conséquences, le Conseil d'État l'a fait dans l'esprit le plus libéral, imposant de la sorte une conception ouverte de la laïcité[15].

C. LA RÉPUBLIQUE GARANTIT LE LIBRE EXERCICE DU CULTE

Le libéralisme de la loi de 1905 est affirmé d’entrée par son article 1er:

La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

Ceci « signifie que l’État est tenu de rendre cette liberté effective et réelle ». Le principea plus d’un demi-siècle d’avance sur la jurisprudence de la Cour européenne qui « met à la charge des États signataires des obligations positives d’organiser l’exercice de cette liberté »[16]

La liberté des cultes ainsi posée par l’article ler de la loi de 1905 s’applique aussi bien aux individus qu’aux collectivités[17].

En droit administratif, elle a le caractère d’une liberté fondamentale[18] et sa valeur constitutionnelle est largement consacrée par le Conseil Constitutionnel.

D. LA RÉPUBLIQUE NE RECONNAÎT AUCUN CULTE

L’article 2 de la loi de 1905 dispose que:

La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.

Comme le rappelle le Conseil d’État en se référant au doyen Jean Rivero, la laïcité en termes de neutralité a deux aspects, l’un négatif, l’autre positif:

Jean RIVERO insistait sur le double aspect du principe de laïcité: un aspect négatif, car si, « en affirmant que la République ne reconnaît aucun culte, la loi n'a pas entendu dire que la République se refusait à en connaître l'existence », elle « fait disparaître la catégorie juridique des cultes reconnus... l'État laïque est celui qui se situe en dehors de toute obédience religieuse »; et un aspect positif, car « laïque, l'État assure (la liberté de conscience), c'est-à-dire la liberté personnelle de croire ou de ne pas croire » et « se reconnaît l'obligation de rendre possible l'exercice des cultes »[19].

1. CULTES RECONNUS ET CULTES NON RECONNUS

L’absence de reconnaissance du culte est l’une des règles les plus fondamentales et les moins bien comprises de la loi de 1905 et du droit des religions.

Pour l’appréhender, il faut d’abord comparer l’ancien régime des cultes à celui de 1905. Le Concordat, tel qu’il a évolué au fil du temps, reposait sur les cultes dit « reconnus » alors que le texte de 1905 a aboli ce système institué par Napoléon Bonaparte[20].

Comme l’indique Rita Hermon-Belot, la loi de 1905 aurait « tout aussi bien pu dir – qu’elle n’en reconnaît plus aucun ».

Le Concordat du 15 juillet 1801 conclu entre le Vatican et le Gouvernement français, “reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la grande majorité des citoyens français’, sans que cette formule n’ait été employée pour les autres cultes qui n’ont jamais conclu de Concordat (protestants, juifs).

Certes, il était prévu que la religion catholique « sera librement exercée en France » mais également que « son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le Gouvemement français jugera nécessaires pour la tranquillité publique ». D’ailleurs, le 8 avril 1802, le Gouvemement français adopta unilatéralement des articles organiques, toujours refusés par l’Église catholique, qui régissaient « l’Église catholique dans ses rapports généraux avec les droits et la Police de l’État », les “ministres’ et leur « traitement », le « culte », les « edifices » du culte. Ces articles consacraient également des développements aux trois branches du protestantisme.

En réalité, sous Napoléon Bonaparte, l’État n’avait pas reconnu quatre cultes exclusivement judéo-chrétiens, mais les avait simplement autorisés, en instituant une procédure de reconnaissance qui ne fut appliquée qu’à l’Église Catholique sous la forme du Concordat. Tous les cultes non autorisés constituaient des associations illicites (Islam, etc.)[21].

L’exposé de Portalis pour la présentation du Concordat, qui se fit devant le Corps législatif, insistait très longuement sur l’utilité sociale de la religion, « aucune société ne pouvant subsister sans moral »” et la « morale sans dogme religieux, ne serait qu’une justice sans tribunaux »; il soutenait que la Patrie avait intérêt à« “protéger la religion puisque c’est surtout par la religion que tant d’hommes, destinés à porter le poids du jour et de la chaleur, peuvent s’attacher à la patrie »[22].

Mais, en 1850, le fils du célèbre jurisconsulte, rédacteur du répertoire Dalloz, résumait les intentions de Napoléon en indiquant qu’en reconnaissant les cultes majoritaires, dont les ministres assurent « le service public des cultes » pour « la grande majorité des Français », la finalité du système était « de mettre l'État mieux à portée d'exercer le droit de surveillance qui lui appartient sur les matières religieuses et la conduite des ministres des cultes »[23].

C’est donc à la fois pour assurer la paix générale et pour encadrer les cultes, notamment le culte catholique, que fut conclu le Concordat.

En fait, le vocable culte reconnu est apparu pour la première fois dans une loi du 25 mars 1822 relative à la répression et a la poursuite des délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication, qui permettait des poursuites contre « quiconque aurait outragé ou toumé en dérision toute autre religion dont l'établissement est légalement reconnu en France ». Ici, le mot religion se substituait à celui de culte[24].

La Charte constitutionnelle du 4 juin 1814, adoptée après l’écroulement de l’Empire, a créé un système mixte à tendance très libérale puisqu’elle prévoyait que « chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection ». Mais elle reconnaissait aussi que « la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l'État ».

La loi du 20 avril 1825 dite « du sacrilège » est revenue au concept des cultes reconnus par ses dispositions à l'encontre du vol sacrilège et des délits commis dans les églises ou sur les objets consacrés à la religion, appliquées à tous les cultes « légalement établis en France »[25].

Puis, la Charte de 1830 a prévu que « les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à l'avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l'Éta »”, le système a été poursuivi par la Constitution de la 2ème République aux termes de laquelle « les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à l’avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l’État » (Constitution de 1848).

Les règles du Concordat se maintinrent ainsi Jusqu’à la loi de 1905.

Pour résumer, le Concordat était un jeu de dupes, une partie d’échec entre le Vatican et Napoléon. Ce demier, comme il l’avoua à Saint Hélène, nourrissait l’espoir « de finir par avoir la direction de ce pape, et, dès lors, quelle influence, quel levier d’opinion sur le reste du monde! »[26].

Mais l’Église catholique obtient en fait sa reconnaissance et un budget de culte, de même que la désignation des Évêques par l’institution canonique obligatoire, ce qui lui donnait le demier mot.

Ainsi, en 1905, pour l’essentiel, les députés catholiques étaient farouchement opposés à la suppression du Concordat dont l’application s’était avérée fort bénéfique pour l’Église.

2. LA NEUTRALITÉ NÉGATIVE

La formule de l’article 2 est d’abord négative: « ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte”. En ce sens, elle signifie d’abord « la neutralité de l'État en matière confessionnelle » qui, aux yeux de Briand, était « l'idéal de toutes les sociétés moderns »[27]. Autrement dit, l’État n’a pas d’idéologie religieuse«  « aucune prise en compte des convictions religieuses ne doit intervenir dans les services publics et notamment dans l’école »[28].

L’État est indépendant des religions, au sens de la Séparation. De la découle la neutralità des agents publics qui ne peuvent manifester leurs convictions dans l’exercice de leurs fonctions, ainsi que bien d’autres conséquences.

3. LA NEUTRALITÉ POSITIVE ET L’IMPARTIALITÉ

Neutralité et impartialité s’associent car l’Etat « ne doit pas favoriser telle conviction religieuse par rapport à telle autre »[29].

En droit européen, ce principe est cardinal. La Cour européenne le rappelle dans tous ses arrêts rendus en application de l’article 9 de la CEDH. Ainsi, dans un remarquable arrêt de synthèse rendu par sa grande Chambre, la Cour a indiqué qu’elle « a souvent mis l’accent sur le rôle de l’État en tant qu’organisateur neutre et impartial de l’exercice des religions, cultes et croyances divers, et indiqué que ce rôle contribuait à assurer l’ordre public, la paix religieuse et la tolérance dans une société démocratique »[30].

Comme l’indique le Président Jean-Marie Woehrling, également co-auteur du traité sur les religions, « c’est la nécessité d’assurer une position d’arbitrage à l’État dans une société de plus en plus pluri religieuse et pluriculturelle qui impose l’idée de neutralité ».

Cette mission implique, selon lui, que l’État « manifeste une attitude équitable au regard de ces différentes convictions ».

L’application de cette règle a plusieurs conséquences juridiques, puisqu’en découlent le principe d’égalité des religions devant la loi, l’absence de discrimination en raison de la religion et le fait que l’État ne combatte aucune religion.

4. NEUTRALITÉ POSITIVE ET RESPECT DE TOUTES LES CROYANCES ET DEL’ORDRE PUBLIC

Dans l’un de ses discours à la Chambre des députés, Aristide Briand déclarait:

Et la loi que nous avons faite est finalement, dans son ensemble, une loi libérale... Il fallait que la loi se montrât respectueuse de toutes les croyances et leur laissât la faculté de s'exprimer librement[31].

C’est l’exact opposé de la thèse anti religieuse portée par Maurice Allard qui n'hésitait pas à soutenir devant le Chambre des députés ce qui suit:

Mais, nous, libres penseurs, quelle est la séparation que nous voulons ? Ce ne peutêtre que celle qui amènera la diminution de la malfaisance de l'Église et des religions.... Je ne vous dissimule pas que tout mon contre-projet tend a ce que la religion devienne la chose anormale et à ce que l'a-religion - avec un a privatif – devienne la chose normale[32].

Mais c’est le principe opposé qui est désormais inscrit au fronton de la Constitution française: la République respecte toutes les croyances.

La Cour d’appel de Paris a appliqué cette règle dès le début du 20ème siècle dans un arrêt qui reste encore d’actualité tellement sa formule est puissante:

Toutes les croyances religieuses sont essentiellement respectables, pourvu qu’elles soient sincères et de bonne foi et il n’appartient pas à des juges civils, quelle que soit par ailleurs leur croyance, de les critiquer ou de les condamner[33].

C’est également un principe intangible de la jurisprudence de la Cour européenne:

Le devoir de neutralité et d'impartialité de l'État défini par la jurisprudence de la Cour est incompatible avec tout pouvoir de la part de l'État d'évaluer la légitimité des croyances religieuses[34].

La jurisprudence du juge administratif français va dans cette même direction. C’est ainsi que le commissaire du gouvemement, J. Arrighi de Casanova, a souligné à l’occasion de la reconnaissance du caractère cultuel des associations de Témoins de Jéhovah, que ni le juge ni l’administration n’avaient à « s’aventurer dans l’appréciation de la nature, et encore moins de la valeur du dogme et des croyances professées par les membres de l’association dont le caractère cultuel est en cause »[35].

Selon le Président Jean-Marie Woehrling, en adoptant ces conclusions, le Conseil d’État a « censure » l’approche du ministre des Finances qui « pour refuser certains avantages fiscaux à une association de Témoins de Jéhovah, avait critiqué pour elles-mêmes certaines des conceptions propres à cette religion » et a fait « valoir que seuls les effets sur l’ordre public des conceptions religieuses en question pouvaient être légitimement pris en considération par l’autorité publique. L’État ne doit pas juger les convictions, même celles qui peuvent paraître déraisonnables, il doit seulement intervenir sur les comportements si ceux-ci sont préjudiciables »[36].

5. AUCUNE DISTINCTION ENTRE LES RELIGIONS

Le droit français et intemational ne fait aucune différence entre les religions et n’en donne d’ailleurs aucune définition.

Selon le traité du droit des religions:

Il ressort des travaux préparatoires que le législateur de 1905 n'entendait nullement le réserver aux seules religions connues et pratiquées alors: cette forme juridique était également destinée a accueillir les cultes à venir. Les religions musulmane et bouddhiste ont ainsi pu s'organiser en associations cultuelles[37].

Cette approche est portée par le droit intemational.

Telle est la position du droit de l'Union européenne:

Aux termes des Directives relatives à la non-discrimination, les caractéristiques expressément protégées sont les suivantes: le sexe, la race ou l'origine ethnique, l'âge, le handicap, la religion ou les convictions, et l'orientation sexuelle... Le terme “religion’ doit être interprété de façon large et ne doit pas être compris comme se limitant aux religions traditionnelles organisées ou bien établies.

Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies abonde aussi dans ce sens dans l’interprétation qu’il donne de l’article 18 du pacte de 1966 sur les droits civils, civiques et politiques:

L'article 18 protège les convictions théistes, non théistes et athées, ainsi que le droit de ne professer aucune religion ou conviction. Les termes conviction et religion doivent être interprétés au sens large.

Le Comité est donc préoccupé par toute tendance a faire preuve de discrimination à l’encontre d’une religion ou d’une conviction quelconque pour quelque raison que ce soit, notamment parce qu’elle est nouvellement établie ou qu’elle représente des minorités religieuses susceptibles d’être en butte à l’hostilité d’une communauté religieuse dominante[38].

L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme est en harmonie avec celle du Comité des droits de l’Homme:

Le contentieux n'est guère important avec les religions majoritaires car les dogmes sont connus et les relations avec les États sont stabilisées. En revanche, la question est plus délicate avec les religions minoritaires et les nouveaux groupements religieux que l'on appelle parfois “sects’ au niveau national. Or, il ressort de la jurisprudence actuelle de la Cour que tous les groupements religieux et leurs adeptes bénéficient d'une égale garantie au regard de la Convention[39].

Dans un arrêt de Grande Chambre récent, la Cour européenne rappelle que le refus d’accorder la personnalité morale à une organisation religieuse et le refus de la reconnaître comme religion, sont une grave ingérence dans la liberté de religion, violent le principe de neutralité et d’impartialité et portent atteinte à l’autonomie du culte, compte tenu « des répercussions de ces décisions sur la poursuite des pratiques religieuses ».

Ainsi, s’agissant de l’Église métropolitaine de Bessarabie, une branche minoritaire de l’Eglise orthodoxe:

... la Cour note que, n’étant pas reconnue, l’Église requérante ne peut pas déployer son activité. En particulier, ses prêtres ne peuvent pas officier, ses membres ne peuvent pas se réunir pour pratiquer leur religion et, étant dépourvue de personnalité morale, elle ne peut pas bénéficier de la protection juridictionnelle de son patrimoine[40].

Il en va de même pour les Témoins de Jéhovah dans un cas où « les autorités autrichiennes avaient refusé d’accorder la personnalité morale aux Témoins de Jéhovah pendant près de 20 ans ». La Cour européenne s’est en l’espèce basée sur le principe « de l’autonomie des communautés religieuses » qui « est indispensable au pluralisme dans une société démocratique »[41].

De même, dans trois affaires contre la France, la Cour a également reconnu que des measures prises par des autorités francaises (taxation des dons manuels) visant la pratique et les lieux de culte des trois organisations religieuses en cause s’analysaient comme une ingérence dans l’exercice des droits protégés par l’article 9 de la Convention[42].

III - DÉFINITION ET IDENTIFICATION DE LA RELIGION [⬆︎]

Bien que ni la loi française, ni le droit intemational ne donnent de définition du culte ou de la religion, ils condamnent toute approche restrictive.

Ainsi, c’est en s’appuyant sur les jurisprudences concemant les Témoins de Jéhovah et l’Église de Scientologie, que la Grande Chambre a censuré le refus de reconnaissance de la communauté musulmane Alévie par la Turquie, à la fois comme une ingérence dans la liberté de religion mais également comme une discrimination:

Le droit consacré par l’article 9 se révélerait éminemment théorique et illusoire si la latitude accordée aux États leur permettait de donner à la notion de culte une définition restrictive au point de priver une forme non traditionnelle et minoritaire d’une religion d’une protection juridique.

Dans cette affaire, l’État turque avait ouvertement nié le caractère cultuel de la religion Alevie en la classant parmi les « ordres soufis (tarikat) interdits » et non parmi les religions reconnues, ce qui privait ses membres et organes de nombreuses prérogatives et avantages légaux.

Pour aboutir à ce classement, l’État turque avait retenu une définition de la religion Alevie exclusivement fondée sur l’avis d’experts désignés par lui-même et n’avait prêté aucune attention au « Rapport final élaboré à l’issue des ateliers alévis » qui décrivait pourtant les caractéristiques spécifiques de cette religion. La Cour européenne a sévèrement censuré cette approche en jugeant que:

Pour cette raison, l’encadrement ainsi que la définition de la confession alé vie relèvent intégralement et exclusivement des alévis[43].

L’arrêt retient que l’État doit avant tout tenir compte de la manière dont la religion se définit elle-même en adoptant une définition juridique souple et large du terme religion, qui permet de tenir compte de tous les systèmes religieux.

A. PLURALISM RELIGIEUX

On sait à quel point la jurisprudence européenne associe la liberté de religion et le pluralisme qui est « indissociable d’une société démocratique, si chèrement acquis à travers les siècles »[44].

Or, le respect du pluralisme va de pair avec celui des spécificités de chaque religion don’t l’État doit absolument tenir compte. Le principe est bien établi dans la jurisprudence de la Cour:

Par ailleurs, la Cour estime que, lorsqu’elle examine la conformité d’une mesure nationale avec l’article 9 § 2 de la Convention, elle doit tenir compte du contexte historique et des particularités de la religion en cause, que celles-ci se situent sur le plan dogmatique, rituel, organisationnel ou autre[45].

Dans l’affaire des Alevis, la Cour européenne a sanctionné la Turquie pour son appréciation « qui ne tient pas compte des spécificités de cette communauté ». L’arrêt insiste lourdement sur le pluralisme en tant que valeur essentielle:

Aux yeux de la Cour, en ne tenant aucun compte des besoins spécifiques de la communauté alévie, l’État défendeur a considérablement restreint le champ du pluralisme, dans la mesure où son attitude n’est guère conciliable avec sa mission de maintenir, en restant neutre et impartial sur la base de critères objectifs, un véritable pluralisme religieux, caractéristique d’une société démocratique. A cet égard, la Cour rappelle que le pluralisme repose aussi sur la reconnaissance et le respect véritables de la diversité et de la dynamique des traditions et identités culturelles et des convictions religieuses[46].

En déniant la qualité de culte à la communauté musulmane Alevie, la Turquie a privé cette demière de tous les avantages liés à ce statut au mépris du droit effectif à la liberté de religion[47].

De plus, selon la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, « une erreur définitionnelle courante consiste à exiger une croyance en Dieu pour qualifier une activité de religion alors que le bouddhisme classique et l’hindouisme - pour ne citer que deux contre-exemples manifestes - sont respectivement non théiste et polythéiste »[48].

B. CONSTAT DE LA RELIGION SELON LE DROIT FRANÇAIS ET INTERNATIONAL

L’existence d’une religion constitue un fait juridique. En droit intemational, il n’existe aucune définition de religion mais des faisceaux d’indice qui permettent son identification au cas par cas.

Tout d’abord, les textes tels que la Convention européenne des droits de l’Homme et le Pacte de 1966 sur les droits civils, civiques et politiques, indiquent de manière convergente, que la liberté de religion implique « la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ».

Il en découle que la religion peut avoir un aspect privé ou public, individuel ou collectif, et qu’elle se manifeste, entre autres, par des pratiques, enseignement, cultes, et des rites.

Le premier critère est donc l’existence de CONVICTIONS qui doivent atteindre « un degré suffisant de force, de sérieux, de cohérence et d’importance », point qui est constant dans la jurisprudence[49].

Il doit aussi s’agir « d’une vision cohérente sur des problèmes fondamentaux »[50] ou, comme l’a jugé la Grande Chambre de la Cour européenne encore récemment, de « convictions religieuses et philosophiques (qui) ont trait à l’attitude des individus envers le divin (Sinan Isrk, précité, §.49), dans laquelle même les perceptions subjectives peuvent revêtir de l’importance, compte tenu du fait que les religions forment un ensemble dogmatique et moral très vaste qui a ou peut avoir des réponses à toute question d’ordre philosophique, cosmologique ou éthique »[51].

Le second critère est que la religion soit IDENTIFIABLE. Le doyen Carbonnier l’a d’ailleurs suggéré en indiquant que le droit français doit « enregistrer la présence d’une religion », ce qui suppose qu’elle soit identifiable par ses manifestations tangibles.

 Ce critère fait écho à l’expression « religion déterminée » qui figure dans la législation française sur le droit de la presse. Par exemple, l’article 32 de la loi de 1881 réprime la « diffamation commise par les mêmes moyens envers un groupe de personnes non désignées par l'article 31 de la présente loi, mais qui appartiennent, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée ».

Il s’agit de reconnaître l’existence du groupe de personnes unies par des convictions religieuses qui, pour être protégé par la loi, doit être identifiable. Ceci résulte de l’exposé des motifs de la proposition de loi tendant à réprimer la provocation à la haine raciste et à rendre plus efficace la législation sur la répression des menées racistes et antisémites. Le rapporteur de la loi indique que:

Ce groupe est un simple assemblage de personnes présentant un seul caractère commun: le caractère racial, insuffisant à lui seul pour créer entre elles des articulations et des liens, facteurs de la cohésion indispensable pour en faire un organisme ayant une personnalité propre[52].

Le Conseil d'État partage la même approche:

Car si la République ne reconnaît aucun culte, la garantie de leur libre exercice suppose que l'on soit à même de les identifier afin de leur permettre de bénéficier des avantages qui leur sont réservés et de leur imposer les contraintes qu'exige l'ordre public[53].

Si la République ne reconnaît aucun culte, l’application de la loi suppose donc qu’elle ait à en connaître.

Selon le Président Woehrling, étant neutre et impartial, « l’État ne porte pas d’appréciation sur les conceptions religieuses en elles-mêmes, mais prend seulement le cas échéant en compte leurs effets concrets sur la vie collective et sur les domaines qui sont de son resort »[54].

C’est le sens de la jurisprudence européenne. Ainsi, un requérant qui était un prisonnier prétendait appartenir à une religion Wica, mais il « n’a exposé aucun fait permettano d’établir l’existence d’une religion Wica »[55].

L’identification mène au troisième critère qui est l'existence d’une « communauté religieuse », notion qui est parfaitement connue du droit et figure dans de nombreux textes. Ainsi, l’article I-52 de la Charte des droits fondamentaux dispose que:

L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres.

Les tribunaux français évoquent souvent cette notion en droit de la presse pour identifier le groupe diffamé ou injurié en raison de son appartenance à une religion déterminée:

La communauté des catholiques unis par leur foi commune et leur croyance dans les dogmes et les règles de leur église, tells qu'exprimés notamment par le pape, constitue un groupe suffisamment déterminé pour être victime d'injures[56].

La communauté religieuse est donc un groupe social uni par des convictions religieuses communes, sans nécessairement former une personne morale[57].

La Cour européenne accorde la plus haute importance à cette notion en la reliant d’une part, à l’autonomie des églises car « les communautés religieuses existent traditionnellement sous la forme de structures organisées » et, d’autre part, au principe d’autonomie du culte caractérisé par « le droit d’une communauté religieuse à une existence autonome (qui) se trouve au cœur même des garanties de l’article 9 de la Convention ».

En ce sens, la communauté doit pouvoir s’organiser sous la forme d’une personne morale qui est également protégée, « l’article 9 de la Convention doit s’interpréter à la lumière de l’article 11, qui protège la vie associative contre toute ingérence injustifiée de l’Etat ».

Cette existence autonome est également indispensable au pluralisme dans une société démocratique. Elle présente un intérêt direct non seulement pour l’organisation de ces communautés en tant que telles, mais aussi pour la jouissance effective du droit à la liberté de religion par l’ensemble de leurs membres.

IV. AUTONOMIE DES COMMUNAUTES RELIGIEUSES, LIBRE ORGANISATION DU CULTE ET LIBRE CHOIX DU STATUT DU PERSONNEL RELIGIEUX [⬆︎]

A. PRINCIPE D’AUTONOMIE DANS LE CHOIX DE L’ORGANISATION RELIGIEUSE ET DE SON FONCTIONNEMENT

Lorsque l’article 4 de la loi de 1905 se réfère aux « règles d'organisation générale du culte dont elles [les associations cultuelles] se proposent d'assurer l'exercice », il consacre le principe d’autonomie et de libre organisation du culte.

Ce principe a été affirmé très tôt par la Commission Briand dans son rapport sur la loi de 1905:

...vous aurez accordé à l'Église ce qu'elle a seulement le droit d'exiger, à savoir la pleine liberté de s'organiser, de vivre, de se développer selon ses règles et par ses propres moyens, sans autre restriction que le respect des lois et de l'ordre public[58].

L’un des acteurs de la formule retenue par le législateur fut Jean Jaurès qui, parmi les premiers, a compris que la Séparation ne serait pas possible sans permettre à l’Église catholique de s’organiser selon ses propres principes[59]. Lors du vote de la loi, il a déclaré que « c’est en respectant l’organisation générale des Églises et non en organisant des schismes que l’on fera progresser ce pays... »[60].

Le rapporteur de la loi, Aristide Briand, a toujours considéré que la libre organisation du culte était une règle essentielle et qu’elle s’appliquait à toutes les religions:

Une loi de séparation des Églises et de l'État ne peut être vraiment équitable qu'à la condition de respecter la constitution intime de toutes les Églises et de leur permettre, au lendemain de l'abrogation du budget des cultes, une organization telle qu'elles puissent réunir les ressources nécessaires à la continuation de leur oeuvre. Briser leurs cadres ecclésiastiques, les forcer à adopter un régime contraire à leurs traditions et à leurs besoins serait une mesure d'oppression. Il est donc au plus haut point important de connaître les principles et la forme ecclésiastique de chaque confession religieuse[61].

Le rapport Briand a d’ailleurs consacré de longs développements à l’organisation de chacun des cultes traditionnels.

Il rappela l’importance du principe de libre organisation du culte à de nombreuses reprises durant les débats, en soulignant notamment que:

Ces Églises (catholique, apostolique et romaine; israélite; protestante) ont des constitutions que nous ne pouvons ignorer; c’est un état de fait qui s’impose.

...ce que nous leur [aux Églises] devons, c’est le droit de s’organiser librement[62].

Ces Églises ont des constitutions que nous ne pouvons ignorer. C’est un état de fait qui s’impose, et notre premier devoir à nous législateurs, au moment où nous sommes appelés a régler le sort des Églises dans l’esprit de neutralité où nous concevons la réforme, consiste à ne rien faire qui soit une atteinte à la libre constitution des Églises[63].

Le 22 avril 1905, les parlementaires ont vote l’amendement à l'article 4 à une écrasante majorité de 482 voix contre 52, et Jaurès, pour marquer l’importance de ce vote, s’écria: « Messieurs, la Séparation est faite ! ».

Au Sénat, l’article 4 a également fait grand débat. Clemenceau s’y opposa vivement car cela constituait une reconnaissance de l’organisation inteme des églises. Mais rien n’y fit, et le texte fut adopté, là encore par une écrasante majorité de 254 voix contre 4.

La loi de 1905 est donc un texte qui permet à chaque Eglise de s’organiser selon ses propres canons, ses propres principes, ses propres règles de gouvemement.

Selon le Traité de droit des religions:

Le principe de liberté de religion implique le droit pour toutes les organisations religieuses de s’organiser comme elles l’entendent en puisant dans l’arsenal légal existant pour y choisir les formes ou statuts juridiques pour les agents du culte... on ne saurait donc contraindre un groupement religieux a choisir telle forme légale plutôt qu’une autre ou a renoncer à certaines de ces formes... la spécificité de la situation de personnes investies de missions religieuses implique que le droit en tienne compte, et, au besoin, attribue un cadre juridique spécifique pour les agents du culte... ainsi est-il justifié de reconnaître juridiquement la faculté pour une institution religieuse de ne pas choisir le cadre du droit du travail pour considérer un engagement religieux[64].

B. REFUS DE L’ÉGLISE ET VOTE DE LA LOI DU 2 JANVIER 1907

Les catholiques ont néanmoins été les premiers à rejeter les associations cultuelles de la loi de 1905, ceci par deux encycliques papales prises en 1906, Vehementer nos et Gravissimo officii munere.

Pour remédier partiellement à cette situation, Aristide Briand, alors Ministre chargé des Cultes, fit voter la loi du 2 janvier 1907 concemant l'exercice public des cultes don’t l’un des articles dispose que:

Indépendamment des associations soumises aux dispositions du titre IV de la loi du 9 décembre 1905, l'exercice public d'un culte peut être assuré tant au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet1901 (1,2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,12 et 17) que par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles en vertu de la loi du 30 juin 1881 et selon les prescriptions de l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905.

En permettant ainsi le libre choix d’une structure juridique au lieu d’imposer le modèle de l’association cultuelle, le législateur a renforcé et favorisé le principe de la libre organisation du culte. En effet, nombreuses sont les communautés religieuses qui refusent les associations cultuelles en raison de leur objet trop étroit et de règles d’organisation très complexes et restrictives.

Mais ceci ne convainquit pas immédiatement l’Eglise Catholique qui exigea un accord spécial avec l’Etat français.

C. ACCEPTATION DES ASSOCIATIONS DIOCESAINES DE LA LOI DE 1905 SANS EXERCICE DU CULTE

En 1923, après un rapprochement diplomatique avec le Gouvemement, plusieurs jurisconsultes rendirent un avis au sujet de 1’Eglise Catholique:

L’article 2 [de la loi de 1905], en disant que la République ne reconnaît aucun culte, ne veut pas dire que les cultes sont abolis ou que la loi entend les ignorer, mais simplement que les cultes, que l'on appelait naguère « cultes reconnus » seront désormais autonomes et régis parleurs règles propres, règles que l’État, aux termes de l’article 4 de la loi, s’engage à respecter[65].

Des statuts d’association diocésaine virent alors le jour et furent soumis au Conseil d’État, lequel admit leur compatibilité avec la loi de 1905 et le respect dû à la libre organisation du culte catholique[66].

Depuis lors, le culte catholique est pratiqué hors des associations de la loi de 1905, dans des organismes canoniques, les associations cultuelles diocésaines ayant pour seul objet de « subvenir aux frais et à l’entretien du culte catholique ».

Il est donc évident que toutes les autres religions ont également droit au respect de leur modèle organisationnel et de leur droit canon, faute de quoi leur traitement serait discriminatoire.

C’est d’ailleurs ce que consacre la jurisprudence européenne en faisant du principe d’autonomie des religions une règle cardinale:

Comme les communautés religieuses existent traditionnellement sous la forme de structures organisées, l’article 9 doit être interprété en combinaison avec l’article 11 de la Convention qui protège la vie associative contre des ingérences injustifiées de l’État. Vu sous cet angle, le droit des croyants à la liberté de religion qui inclut le droit d'exprimer ses croyances en groupe, porte en lui l’espoir pour les croyants, de pouvoir s’associer librement sans intervention arbitraire de l’État. En vérité, l’existence autonome de communautés religieuses est indispensable au pluralisme d’une société démocratique et par conséquent une question au coeur de la protection garantie par l’article 9. Le devoir de neutralité et d’impartialité de l’État défini par la jurisprudence de la Cour est incompatible avec tout pouvoir de la part de l’État d’évaluer la légitimité des croyances religieuses[67].

A cet égard, la Cour européenne a clairement fait peser sur les États une obligation de respecter tous les aspects spécifiques et particuliers de chaque religion, comme cela a déjà été rappelé.

Se pose alors le problème de la reconnaissance d’une religion et celui des avantages qui lui sont attribués par la loi française.

V. LA PRETENDUE RECONNAISSANCE DES RELIGIONS PAR LE BIAIS DES ASSOCIATIONS CULTUELLES [⬆︎]

Neutralité, égalité des religions et pluralism vont de pair, comme l’a jugé le Conseil d’Etat:

Le principe constitutionnel de laïcité implique neutralité de l’Etat et traitement égal des différents cultes[68].

Et il a aussi rappelé que la laïcité « doit à tout le moins se décliner en trois principes: ceux de neutralité de l’Etat, de liberté religieuse et de respect du pluralisme »[69].

Comme depuis la loi de 1907, l’association de la loi de 1905 n’est que l’une des formes juridiques par lesquelles l’exercice public d’un culte peut avoir lieu, il est absurde de soutenir, ainsi que beaucoup le font, que la reconnaissance d’une religion doit passer par la vérification du caractère cultuel de ses associations à travers divers mécanismes tells que le rescrit préfectoral, l’exonération de taxe foncière, l’acceptation des donations et legs, etc., l’absence de droits de mutations pour les dons manuels, etc.

Cela reviendrait à imposer à un movement religieux un modèle d’organisation non conforme à son droit canon, et des contraintes qui l’empêcheraient de fonctionner conformément à ses règles intemes.

Il faut donc que les cultes choisissent la forme juridique qui convient à leur modèle religieux (par exemple associations cultuelles ou association 1901 à objet religieux) sans que ce choix ne les pénalise en les privant du statut cultuel et de ses avantages.

Toutes les religions sont égales et doivent jouir des mêmes avantages, ce qui suppose également d’adopter une conception pragmatique et ouverte de la notion d’exercice exclusif du culte, ainsi que de celle d’activités accessoires à cet exercice.

L’approche judéo-chrétienne de la notion de culte doit être abandonnée au profit d’un critère objectif qui permettrait d’identifier une religion.

A. CULTE ET ASSOCIATION CULTUELLE NE SONT PAS SYNONYMES

1. ASSOCIATIONS CULTUELLES ET DEFINITION ETROITE DU CULTE

L’article 18 de la loi du 9 décembre 1905 évoque « les associations fonnées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte » et l’article 19 précise que « ces associations devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte ».

De ces dispositions découle le fait que les associations qui revendiquent le statut cultuel doivent « mener des activités ayant exclusivement pour objet l'exercice d'un culte, telles que l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi que l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte ».

La jurisprudence indique que « la poursuite par une association d'activités autres que celles rappelées ci-dessus est de nature, sauf si ces activités se rattachent directement à l'exercice du culte et présentent un caractère strictement accessoire » à « l'exclure du bénéfice du statut d'association cultuelle »[70].

Le Commissaire du Gouvemement Arrighi de Casanova avait précisé à cet égard que:

A notre sens, une application raisonnable de cette exigence peut être admise: dès lors que l'objet défini par les statuts conceme exclusivement l'exercice d'un culte, la circonstance que l'association exerce en fait d'autres activités que celles énumérées dans l'avis de 1989 n'est pas nécessairement de nature a lui faire perdre son caractère, si du moins il est établi que ces activités restent véritablement accessoires, ce qui suppose:

- que leur importance demeure secondaire;

- et surtout qu'elles se rattachent directement à l'exercice du culte.

Par exemple, la simple diffusion d'un bulletin d'infonnations paroissiales ne doit pas faire obstacle à ce qu'une association soit reconnue comme cultuelle, tandis qu'à l'inverse, l'association qui assure en fait de manière permanente la diffusion et la vente de brochures en sus de ses activités proprement religieuses ne saurait, quelles que soient les stipulations de ses statuts, bénéficier de cette qualification.

Aussi, en définitive, c’est l’objet des associations limité exclusivement à l’exercice du culte qui est la clé de voûte du système. De ce fait, si on limite la définition du culte, on limite par là même celle de l’objet de l’association, et donc la définition de religion.

Dans son avis du 24 octobre 1997, le Conseil d'État a retenu une définition du culte inspirée de celle donnée par son commissarie du Gouvemement:

La célébration de cérémonies organisées en vue de l'accomplissement par des personnes reunies par une meme croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques[71].

Le Commissaire écrivait à ce sujet que:

La reconnaissance de l'existence d'un culte suppose ainsi que soient réunis un élément subjectif et un élément objectif:

- Le premier est constitué par une croyance ou une foi en une divinité;

- Le second, qui matérialise le premier, est l'existence d'une communauté se réunissant pour pratiquer cette croyance lors de cérémonies.

Il justifié sa définition très restrictive en considérant que la célébration de cérémonies était un « élément matériel... fondamental », d’une part, « parce qu'il permet de différencier la notion de culte - qui a un statut juridique - de celle de religion - qui en est dépourvue » et, d’autre part, « parce qu'il marque bien les limites de l'exercice: c'est seulement parce que le législateur a jugé bon de s'intéresser aux conditions matérielles dans lesquelles seraient organisées de telles célébrations, et plus particulièrement au statut et au mode de gestion des édifices qui y sont consacrés, que l'administration et le juge ont à s'interroger sur l'existence d'un culte. Et ils n'ont à le faire que dans le cadre de la loi de 1905, et au regard de l'objet de ce texte »[72].

Cette analyse apparaît inconciliable avec la loi de 1905 elle-même, dès lors qu’elle institue, par le biais d’avantages fiscaux, un système de reconnaissance restrictif qui est expressément proscrit par le texte, sauf à ce qu’il bénéficie à toutes les religions de manière égale.

De plus, le droit intemational exige une approche très large de la notion de religion qui est incompatible avec une definition mettant l’accent sur la célébration de cérémonies. Une religion peut être exercée de bien d’autres façons que par des ceremonies collectives. L’expression religieuse ne peut aucunement se réduire à un groupe limité de pratiques et de rites.

Enfin, il faut avoir à l’esprit que dans la tradition constitutionnelle française, culte et religion sont généralement synonymes.

2. SIMILITUDE DES MOTS CULTE ET RELIGION DANS LA TRADITION CONSTITUTIONNELLE FRANÇAISE

Cette définition étroite du culte est d’autant plus illégitime qu’elle n’est pas conforme à la tradition constitutionnelle de la France depuis la révolution de 1789. En effet, si l’on examine les textes, on constate souvent que les termes religion et culte sont interchangeables.

La Constitution de 1791 qui place la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) en tête du texte évoque uniquement des opinions, même religieuses, en garantissant que chaque citoyen ne sera pas inquiété pour de telles opinions. Son préambule indique que la loi « ne reconnaît plus ni voeux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution ». Aucune référence n’est faite au culte.

Le décret du 2 novembre 1789 de l’Assemblée constituante a voté la nationalisation des « biens ecclésiastiques » qui « sont à la disposition de la Nation, à la charge de pourvoir, d’une manière convenant, aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres ». Mais elle évoque aussi « l’entretien des ministres de la religion », faisant de ministre du culte et ministre de la religion des synonymes.

La Constitution de 1791 place également une DDHC à sa tête, dont l’article 10 qui revient à la formule de 1789: « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses »; le préambule de cette constitution condamne les « voeux religieux » qui seraient contraires « aux droits naturels ou à la Constitution ». Mais, dans son titre Premier sur les dispositions fondamentales sur les droits naturels et civils, elle évoque la liberté de tout homme « d’exercer le culte religieux auquel il est attaché », « les biens destinés aux dépenses du culte », l’élection et le choix des « ministres de leurs cultes » et, dans son titre V, « le traitement des ministres du culte catholique ». Culte et religion sont donc encore synonymes.

La Constitution du 24 juin 1793 possède également une DDHC dont l’article 7 dispose que « le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits » et, dans la partie consacrée à la garantie des Droits, un article 122 qui dispose qu«  “la Constitution garantit à tous les Français... le libre exercice des cultes ».

Le décret du 3 ventôse an III (21 janvier 175) publié sous le Directoire est important car il s’agit du premier système de Séparation des Églises et de l’État qui, du reste, semble avoir servi de modèle à la loi de 1905. C’est ce que prétend le député Plichon, pour qui le projet « Briand reproduit dans son esprit, parfois même dans ses termes exacts, la loi du 3 ventôse an III sur la Séparation des Églises et de l’Etat »[73].

Il est vrai que le texte dispose que conformément à l’article 7 de la DDHC et l’article 122 de la Constitution, l’exercice d’aucun culte ne peut être troublé”, puis contient une série d’articles très similaires au texte de la loi de 1905:

- Article 2: « La République n’en salarie aucun » (les cultes).

- Article 3: « Elle ne fournit aucun local ni pour l’exercice du culte ni pour le logement des ministres ».

- Article 4: « Les Cérémonies de tout culte sont interdites hors des enceintes choisies pour leur exercic ».

- Article 5: « La loi ne reconnaît aucun ministre du culte... ».

- Article 6: « Tout rassemblement de citoyens pour l’exercice d’un culte est soumis a la surveillance des autorités constituées ».

- Article 7: « Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé sur un lieu public... ».

Bien que le décret évoque l’exercice du culte, les ministres du culte, le député Chénier qui en fut le rapporteur, quant à lui, parlait de la volonté de maintenir « à chacun la liberté entière de suivre et d’inventer telle religion qu’il lui plaira » et entendait que « chacun payera le culte qu’il voudra et n’en payera pas d’autres ». Une fois encore, culte et religion sont synonymes alors qu'il s’agit d’un texte qui a manifestement servi d’inspiration à Aristide Briand.

La Constitution du 5 fructidor An III mélange à nouveau culte et religion, termes utilisés de manière interchangeable.

Son article 12 dispose que « l’exercice des Droits de citoyens se perd...: 2° par l’affiliation à toute corporation étrangère qui supposerait des distinctions de naissance, ou qui exigerait des voeux de religion », tandis que son article 352 indique que « la loi ne reconnaît ni voeux religieux, ni aucun engagement contraire aux droits naturels de l’homme ». Pourtant, l’article 354 prévoit que « Nul ne peut être empêché d’exercer, en se conformant aux lois, le culte qu’il a choisi. Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République n’en salarie aucun ».

Dans le même temps, le Concordat conclu avec le Vatican le 15 juillet 1801 prévoit que le « Gouvemement de la République française reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la grande majorité des Français » et ajoute que « Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore en ce moment le plus grand bien et le plus grand éclat de l'établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu’en font les Consuls de la République ».

L’article 1er dispose ensuite que « la religion catholique, apostolique et romaine, sera librement exercée en France. Son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le Gouvemement jugera nécessaire pour la tranquillité publique ». Puis de nombreuses autres dispositions évoquent le « culte ». Par exemple, celles qui concement la mise à disposition de certains édifices « nécessaires au culte », les infractions commises « dans l’exercice du cult »”, les atteintes portées « à l’exercice public du culte », le fait que « le culte catholique sera exercé sous la direction des archevêques et évêques » et encore les « autres cultes autorisés ». En bref, il y a référence à la fois à la religion catholique et au culte catholique dans un sens synonyme.

La Constitution du 22 frimaire An VIII (Consulat) et celle du 16 therinidor An X (Consulat à vie) ne contiennent aucune disposition sur le culte ou sur la religion. Mais, celle de 28 floral an XII, autrement dit celle de l’Émpire, prévoit un serment où l’Empereur « jure de maintenir l’intégrité du territoire de la République, de respecter et de faire respecter les lois du concordant et la liberté des cultes ».

L‘acte additionnel aux Constitutions de l’Empire du 22 avril 1815 évoque également le culte en disposant par son article 62 que « La liberté des cultes est garantie à tous » et par son article 67 que « Le peuple français déclare que, dans la délégation qu’il a faite de ses pouvoirs, il n’a pas entendu et n’entend pas donner le droit de proposer... ni le droit de rétablir... soit aucun culte privilégié... ».

La Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 revient au mélange entre culte et religion utilisés de manière égale en prévoyant au sujet des étrangers que « leurs cultes sont également protégés par la loi » et que « chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection » (art.5), tout en énonçant que « cependant la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’État » (art.6) et que« “les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des Français et ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent des traitements du Trésor public » (art.7).

La Loi du 25 mars 1822 relative à la répression et à la poursuite des délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication a ensuite été adoptée pour réprimer « quiconque aura outragé ou toumé en dérision la religion de l'État » et prévoyait les mêmes peines « contre quiconque aurait outragé ou toumé en dérision toute autre religion dont l'établissement est légalement reconnu en France ».

La Charte constitutionnelle du 14 août 1830 supprimait la religion d’état et disposait que « Chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection » (art. 5) et qu«  “les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des Français et ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent des traitements du Trésor public » (art.6).

Dans la constitution du 4 novembre 1848 de la Ilème République, « La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion », et « chacun professe librement sa religion, et reçoit de l’État, pour l’exercice de son culte, une égale protection. Les ministres soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus a l'avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l’État ».

La Constitution du 14 janvier 1852 du Second Empire dispose que le Sénat s’oppose à la promulgation de lois qui seraient contraires « à la religion, à la liberté des cultes, à la liberté individuelle... », tandis que l’article 26 du sénatus-consulte du 14 mars 1867 réitère la même disposition.

Les lois constitutionnelles de 1875 concemant la IIIe République ne contiennent aucune disposition sur la religion ou sur le culte mais ces dispositions figurent dans la loi du 9 décembre 1905 et dans celle du 2 janvier 1907.

Il est certain, a la lecture du rapport de la Commission Briand, que culte et religion étaient employés en manière de synonyme, comme dans les exemples ci-dessous:

- Cet édit célèbre, après avoir constaté que le culte catholique était rétabli là où il avait été supprimé et après avoir reconnu au clergé la totalité de ses biens et droits antérieurs, assurait à la religion réformée la légalité[74].

- Les ministres de la religion n'étaient investis d'aucune autorité administrative

Ou encore:

Cette organisation du culte israélite fut l’oeuvre de Napoléon. Elle vint, après le Concordat et les lois organiques de l'an X, compléter l'ensemble de la législation qui règle l'exercice des trois religions reconnues par l'Etat[75].

- On y chercherait vainement la moindre trace d'une arrière-pensée de persécution contre la religion catholique. Les trios cultes reconnus en France y reçoivent un traitement égal[76].

On pourrait donc aisément remplacer le mot culte dans la loi de 1905 par celui de religion et écrire que la République « garantit le libre exercice des religions sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public » (art.1), qu’elle « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucune religion » (art.2), et évoquer également « l’organisation générale de la religion » (art.4), désigner les associations cultuelles comme « associations religieuses » don’t « l'objet exclusive » serait « de subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice de la religion » (art.18), tout en désignant les « ministres du cultes » comme « les ministres la religion » (art. 14, 24 etc.). Cela serait tout à fait possible et conforme à la tradition constitutionnelle française.

D’autant que, depuis la Constitution de 1946 pour la IVe République, il n’est plus question de culte, mais de religion, d’opinions religieuses ou de croyances. Le Préambule de cette demière dispose que:

… le peuple français proclame de nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inalienable et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

La France forme avec les peuples d’outremer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, dans distinction de race ni de religion.

Le Préambule de la Constitution du 4 novembre 1958 renvoie aux “Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils sont définis par la Déclaration de 1789, conforinée et complete par le préambule de la Constitution de 1946”, et son article premier dispose que:

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, ni de religion. Elle respecte toutes les croyances.

Ainsi, la thèse, reprise parfois par les meilleurs auteurs, selon laquelle « l'expression [Culte] permet d'englober toutes les religions présentes mais aussi de ne prétendre connaître de la religion que sous son aspect visible, social et purement extérieur », ne correspond pas a l’histoire constitutionnelle française. En effet, les différents textes constitutionnels ont tantôt utilisé le tenne « religion », tantôt celui de « culte », et souvent les deux en même temps, de manière synonyme et interchangeable.

De plus, si l’État n’a pas à connaître des dogmes, des croyances ou des opinions religieuses car la liberté de conscience est absolue, et qu'il ne se préoccupe que de leurs manifestations extemes, le culte au sens étroit, c’est-à-dire les cérémonies, n’est pas la seule manifestation exteme qui permettrait d’identifier une religion pour lui appliquer le régime des cultes relatif aux taxes, aux édifices du culte etc., et lui faire respecter l’ordre public.

A cet égard, dans les textes internationaux, le culte, au sens étroit du terme, n’est que l’une des manifestations de la religion: « la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement de rites ».

L’État peut donc identifier une religion à travers ses manifestations tant privées que publiques, de même qu’individuelles ou collectives, par le biais de pratiques, de rites ou d’enseignements, en sus du culte.

Par conséquent, il n’est pas justifié d’adopter une définition étroite du mot culte dans le cadre de la loi de 1905 au prétexte que les cérémonies seraient le seul moyen d’identifier un culte par ses manifestations extemes.

B. UNE DEFINITION ETROITE DU MOT CULTE ENTRAINE UNE ATTEINTÉ A LA LIBERTÉ DE RELIGION ET UNE DISCRIMINATION

En limitant le culte aux seules ceremonies publiques, le Conseil d’État a adopté une définition restrictive de la religion et a ouvert la porte à la discrimination pour toutes les religions qui ne souhaitent pas s’organiser en associations de la loi de 1905, ou qui ne le peuvent pas.

Or, il est loin d’être acquis qu’une telle définition soit la seule compatible avec une association cultuelle, comme on peut le voir avec les différentes Constitutions françaises.

Quoi qu’on en dise, le système français conditionne la reconnaissance d’une religion au passage par l’association cultuelle et, ce faisant, il prive une partie des religions des avantages fiscaux considérables liées au statut des cultes.

Une définition étroite de la religion est pourtant incompatible avec l’article 9 de la Convention européenne et avec le droit intemational en général, dès lors que le refus de reconnaissance religieuse impacte gravement l’exercice de la religion, et qu’il s’oppose au principe de l’autonomie organisationnelle des religions.

De plus, le système engendre une discrimination entre religions nouvelles et cultes judéo-chrétiens ou orientaux dans lesquels les cérémonies cultuelles sont prépondérantes.

Or, la France a été condamnée pour discrimination dans l’affaire dite de l’Union des athées, pour avoir privé cette association des avantages fiscaux liés au régime des associations cultuelles. Le Conseil d’État a jugé que cette association ne pouvait pas être regardée comme une association cultuelle dès lors qu'elle regroupait ceux qui considèrent Dieu comme un mythe[77].

Le professeur Rolland souligne que « le juge indique ainsi indirectement que la notion de culte est liée à celle de Dieu. De plus, l'athéisme ne développe pas véritablement d'activités rituelles ».

Appliquée pour distinguer une association philosophique d’une association religieuse, cela est tout à fait légitime. Mais le critère devient discriminatoire dès lors qu’il distingue entre les religions, d’autant que les Bouddhistes sont constitués en associations de la loi de 1905 alors qu’il s’agit d’une religion non théiste.

On sait pourtant que « le commissaire du Gouvemement conclut sur ce point qu'il fallait s'en tenir à une acception stricte de la notion de culte, que le dictionnaire Larousse définit comme “hommage rendu à une divinité ou à un saint personnage” ».

La Commission européenne des droits de l’Homme a toutefois rejeté cette conception discriminatoire. Après avoir longuement analysé le système français, elle a jugé que:

… le Gouvemement n'a pas foumi de justification à la différence de traitement opérée par la législation française en matière de libéralités entre les associations cultuelles d'une part et les autres associations d'autre part. La Commission n'aperçoit, quant à elle, aucune justification objective et raisonnable de maintenir un système qui défavorise à un tel degré les associations non cultuelles.

La Commission note en effet que la requérante a pour objectif le regroupement de tous ceux qui considèrent Dieu comme un mythe. Elle admet que pareille attitude ne semble pas, de prime abord, de nature à la qualifier comme une association cultuelle. La requérante ne fait pourtant qu'exprimer une certaine conception métaphysique de l'homme, qui conditionne sa perception du monde et justifie son action. Ainsi, pour la Commission, la teneur philosophique, certes fondamentalement différente dans l'un et l'autre cas, ne semble pas un argument suffisant pour distinguer l'athéisme d'un culte religieux au sens classique et servir de fondement à un statut juridique aussi différent[78].

La France a donc été condamnée pour discrimination en vertu de l’article 14 de la Convention conjointement avec l’article 11 car il y avait inégalité entre les associations en fonction des croyances, religieuses ou non, professées par ces demières.

En suite de cette condamnation, le Gouvemement français a considéré dans sa réponse au Comité des Ministres que la loi de 1987 sur le développement du mécénat donnait à ce type d'associations non-cultuelles des capacités financières identiques à celles des associations de la loi de 1905: le droit de recevoir des libéralités et notamment des dons manuels[79].

Puis, la loi du ler août 2003 a encore fait disparaître certaines différences entre les associations 1901 et les associations cultuelles en ce qui conceme les dons puisque, désormais, les organismes d’intérêt général visés par l’article 200 du code général des impôts bénéficient également des avantages de l’article 757 du CGI. Les dons manuels effectués aux associations d’intérêt général, ouvrent droit à une réduction de l’impôt sur le revenue égale à 60 % du montant des dons effectués dans la limite de 20 % du revenu imposable, pour les particuliers, et à une réduction de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés égale à 60 % du montant des dons effectués dans la limite de 5 % de leur chiffre d’affaires, pour les entreprises.

Ce changement législatif pour harmoniser le statut des associations cultuelles avec celui des associations d’intérêt général, y compris de nature philosophique, prouve que l’État français est conscient de son obligation d’assurer des avantages similaires dans des situations similaires.

Il doit donc justifier par des considerations totalement objectives une différence de traitement sur le plan fiscal, ce d’autant plus si cette demière a un impact important sur le libre exercice du culte.

Or, comment justifier une distinction de régime fiscal aussi défavorable que celle qui existe aujourd’hui entre les associations cultuelles de loi 1905 et les associations religieuses de loi 1901, alors qu’il a été jugé discriminatoire pour une association philosophique, et alors que la loi de 1907 avait précisément été votée pour permettre au culte de s’exercer sous la forme d’associations de 1901 ?

A partir du moment où la définition du culte est exclusivement restreinte aux ceremonies publiques et que les associations cultuelles n’admettent aucune autre activité, sauf strictement accessoire, il est directement porté atteinte à la liberté des religions dont le système de croyances et d’organisation n’est pas focalisé sur les cérémonies religieuses.

Or, le principe d'autonomie et de libre exercice du culte est si important que dans « certaines circonstances, l’absence d’un traitement différencié à l’égard de personnes placées dans des situations sensiblement différentes peut emporter violation de cette disposition »[80].

D’ailleurs, toute l’histoire française des cultes n'est qu’une lutte pour que chaque religion adopte un modèle conforme à sa constitution en faisant en sorte que le législateur s’y plie, comme l’Église Catholique l’a fait avec les associations diocésaines, ou avec le statut social de ses ministres du culte, ou comme le culte protestant majoritaire qui n’affilie pas ses ministres à la caisse des cultes mais au régime général.

Les religions minoritaires doivent pouvoir adapter le système légal à leur proper organisation et jouir des mêmes avantages que les cultes traditionnels.

Dans le système actuel, de telles religions se trouvent privées des avantages fiscaux de l’association cultuelle et surtout d’une « reconnaissance », ce qui aboutit à rétablir insidieusement le système des cultes reconnus, privant les religions nouvelles des bénéfices de la législation sur les cultes.

Le Professeur Patrice Rolland ouvre la porte à une solution en ces termes:

La définition du culte donnée en 1997 n'évite pas la référence à la religion. Il faudra donc éventuellement que le juge français donne une définition de la religion. L'éventualité n'est pas abstraite: parmi les nouveaux mouvements religieux, tous ne font pas clairement référence à Dieu ou à un Être suprême; certains sont même qualifiés d'athées ou de religions sans Dieu. Les évolutions du XXe siècle ont effacé d'anciennes évidences culturelles ou philosophiques.

D'un point de vue laïc, c'est-à-dire celui qui ne prend en compte que la liberté de conscience, la catégorie qui convient est plutôt celle de conviction. Elle permet d'englober toutes les croyances sans avoir à les qualifier de religieuses ou non. La notion de conviction peut se caractériser de façon formelle sans avoir a en analyser le contenu. La liberté est pour toutes les convictions.

Le problème est que le législateur de 1905 n'a pas voulu s'en tenir au droit commun des convictions et a maintenu une notion de culte qui peut difficilement faire l'économie de la référence religieuse. Celle-ci implique la croyance en Dieu ou en une référence transcendante.

Finalement, il renvoie à la démarche du juge européen qui s’attache à la notion de religion qui doit être « identifiable » et représenter « des vues atteignant un certain degré de force, de sérieux, de cohérence et d'importance ” portant « sur des problèmes fondamentaux ». Ce critère, écrit-il, est « assez formel et couvre un large champ de convictions au-delà des religions proprement dites qui font référence à la transcendance. Il permet d'intégrer de nombreuses convictions dans celles qui ont droit à la protection de l'article 9, notamment parmi les 'nouveaux mouvements religieux' »[81].

Cette approche est loin d’être ignorée en droit administratif. Le Commissaire du Gouvemement André Bonnet s’est interrogé à ce suj et et y a répondu dans un article intitulé « Qu'est-ce qu'un édifice affecté au culte ? ».

Pour ce qui le conceme, le juge doit exercer un contrôle « sur le contenu et la réalité du culte invoqué devant lui », faute de quoi n’importe qui pourrait jouir des avantages fiscaux sans correspondre à une religion. Aussi, s’interroge-t-il: « quelle est, en fin de compte, la justification en droit d'un régime d'exonération réservé aux seules associations cultuelles ? ».

Selon lui, « il existe nécessairement un fondement à la 'discrimination’ opérée par la loi de 1905, et c'est ce fondement qui lui ôte, justement, son caractère apparemment arbitraire. Toute la difficulté est de l'identifier ». En fin de compte, conclut-il, « ce fondement ne peut être que celui de la reconnaissance, par l'État lui-même, du fait religieux, au sens strict du terme ».

L’expression « fait religieux » n’est pas synonyme de culte tel que défini par le Conseil d’État dans son avis d’octobre 1997. Elle se rapproche plus des critères d’identification dégagés par la Cour européenne qui concernent surtout les croyances religieuses.

M. Bonnet se réfère d’ailleurs à « la plausibilité, d'une communication entre le naturel et le sumaturel, entre l'humain et le plus qu'humain, entre l'humain et le divin, quel que soit le terme que l'on décide d'employer pour désigner de la manière la plus large possible cette réalité ».

Il indique que « les formes peuvent donc être différentes: mais, pour être reconnu en droit, le fait religieux doit se vouloir tel et être soutenu par une doctrine explicite en ce sens. En revanche, une simple sagesse ou un 'culte' se réclamant d'une négation de principe du fait transcendant ne pourra se voir reconnaître le caractère de culte ».

Il faut que « la doctrine même qui sous-tend ce culte ou ce rite, tels qu'ils s'affichent, fasse explicitement référence à une liaison en actes entre deux réalités profondément différentes, mais que le fait religieux a justement pour effet de mettre en relation, conformément à l'étymologie du terme ».

En définitive, l’État est en droit d’accorder des avantages et de « n'engager une reconnaissance juridique qu'après qu'auront été prises les précautions nécessaires à cet égard: sans pour autant se prononcer sur le fond d'une véritable religion, au sens où nous l'entendons ici, il lui appartient de s'assurer de sa pérennité et de sa représentativité ». Cette reconnaissance du fait religieux « au contraire du laïcisme, qui nie par définition tout fait religieux et qui tend à effacer toute manifestation de ce type de la sphère publique », est conforme au principe de la laïcité qui « reconnaît la possibilité d'un tel fait: simplement, elle exige de l'État qu'il se tienne en retrait et qu'il ne privilégie aucune religion par rapport aux autres »[82].

On en revient donc à l’idée qu’un système de « reconnaissance » doit s’en tenir à des critères objectifs d’identification d’une religion, sans s’immiscer dans sa doctrine, ni dans ses croyances, et en préservant la diversité religieuse.

VI. LE FAIT RELIGIEUX EST UN FAIT JURIDIQUE DONT LA PREUVE EST LIBRE [⬆︎]

Le fait religieux au sens sociologique du terme « vise à saisir les phénomènes religieux comme fait historique d’une part, comme fait social, d’autre part »[83]. En droit, il constitue un fait juridique. L’existence d’une religion, dès lors que le droit ne lui donne aucune définition contraignante, est bien “un évènement auquel la loi attache des effets de droit” au sens de l'article 1100-2 du code civil.

De ce fait, sa preuve est libre et peut être établie par tous moyens.

Si la République ne reconnaît aucun culte, elle ne peut les ignorer. « La neutralité ne saurait être indifférence. La réalité religieuse fait partie du champ d’action de l’État au même titre que les autres faits sociaux »[84].

Ce qu’interdit formellement la loi de 1905, est le retour au système des cultes reconnus, c’est-à-dire le Concordat qui est, précisément, une procédure de reconnaissance par le biais d’une convention intemationale. Elle interdit également un système tel que celui des articles organiques où l’État réglementait l’organisation inteme du culte, voire ses dogmes, au mépris de la Séparation.

Depuis 1905, la République est donc neutre: elle ne combat aucune religion ni n’en favorise aucune par une procédure de reconnaissance officielle. Toutes les religions sont égales à ses yeux, « ce qui signifie qu’elle les connaît toutes sur un pied d’égalité entre elles et sur le même pied que toutes les autres composantes de la société civile »[85].

Dès lors, le système français niest pas celui de la reconnaissance mais celui de l’identification du fait religieux. La République doit connaître les religions, et non les reconnaître, car leur existence entraîne des consequences juridiques à de très nombreux niveaux. La question pertinente est donc posée par l’auteur: « Comment l'État laïque connaît-il les religions ? ».

En premier lieu, il doit éviter l’écueil de porter un jugement de valeur sur les doctrines religieuses: « avec la loi de 1905, la distinction entre cultes reconnus et cultes non reconnus disparaît complètement, l'État se déclarant incompétent pour déterminer ce qu'est une bonne ou une vraie religion et ce qui n'en serait pas ». La France est une République laïque. Elle respecte toutes les croyances.

En second lieu, « l'État n'intervient pas dans l'organisation inteme de chaque culte, ni dans ses croyances, ni dans sa liturgie, ni dans son ecclésiologie » en vertu de l’article 4 de la loi de 1905 qui se réfère « aux règles d'organisation générale des cultes dont ells se proposent d'assurer l'exercice ».

En troisième lieu, le fait religieux doit être appréhendé par les États au moyen d’une définition ou de critères non restrictifs. Selon le droit intemational, un système de reconnaissance pourrait exister mais il doit être équitable et non discriminatoire.

En quatrième lieu, la manière dont une religion se définit elle-même et la prise en compte de ses spécificités, constituent des obligations pour les institutions publiques qui ne sauraient les ignorer et leur substituer leurs propres conceptions.

En cinquième lieu, l’égalité des cultes implique que la République « les connaît tous, sans aucun privilège, ni aucune discrimination, sur un pied d'égalité. Les seules restrictions à la liberté religieuse doivent être édictées par la loi, 'dans l'intérêt de l'ordre public' (article ler de la loi de 1905) ».

In fine, « il existe de très nombreux ...domaines où l'État connaît les religions »[86].

Par l’obligation qu’il a d’appliquer la loi, l’État, à travers son administration et son système judiciaire, est confronté au fait religieux dans ses nombreuses manifestations légales.

Outre le système des cultes régi par la loi de 1905, ainsi que la législation des services publics d’aumônerie dans les lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons’ (article 2, alinéa 2 de la loi de 1905) et, depuis bien longtemps, dans les armées (loi du 8 juillet 1880), de nombreux textes de loi se réfèrent à la religion, au culte, à leurs manifestations extemes, et à leurs ministres, tant en droit privé que public, ainsi qu’à la liberté de conscience.

Les juges y sont notamment confrontés lorsqu’ils doivent appliquer la législation pénale sur les discriminations « à raison de l’appartenance à une “religion determinée » (225-1 du code pénal), aux délits d’injure ou de diffamation envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur appurtenance vraie ou supposée à une « religion determine » (art 32 et 33, loi de 1881), à l’infraction de provocation à la discrimination, à la haine, a la violence envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une « religion déterminé » (art. 24 loi de 1881), etc.

Le code de l’Éducation qui a codifié la loi Debré de 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements privés dispose que « l'État prend toutes les dispositions utiles pour assurer aux élèves de l’enseignement public la liberté des cultes et de l’instruction religieuse », tandis que les écoles privées sous contrat doivent « donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience ».

Au titre de l’article 60 du code civil, il est justifié d’un intérêt légitime pour changer le prénom d’une femme musulmane qui, « n’est certes, pas empêchée de pratiquer sa religion en portant son prénom Charlyne » mais peut « justifier d’un intérêt légitime à pouvoir porter comme premier prénom Aïcha afin de se mettre en harmonie avec son identité, celle de ses enfants et sa nouvelle condition religieuse... »[87].

Les exemples en droit des personnes sont nombreux, de même qu’en droit du travail. L’article L.1132-1 du code du travail prohibe les discriminations à l’embauche, dans la rémunération, et plus généralement, dans la carrière des salariés en se référant à la définition qu’en donne l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 ayant adapté le droit communautaire. Ce texte vise « l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée ».

Le droit privé offre de nombreux cas de figure qui obligent le juge à trancher des litiges en rapport avec la liberté de conscience et de religion[88].

Les articles L381-12 et suivants du code la sécurité sociale intéressent le régime social des « ministres du cultes », des « membres des congrégations et des collectivités religieuses » et leur application jurisprudentielle a donné lieu à une définition de la collectivité religieuse qui caractérise un membre par « l’engagement religieux de l’intéressée manifesté, notamment, par un mode de vie en communauté et par une activité essentiellement exercée au service de sa religion ».

Les domaines sont trop nombreux pour être cités.

Si la preuve est libre en la matière, alors tous les éléments objectifs qui tendent à identifier une religion sont recevables: opinion des institutions religieuses et de leurs membres. Ce critère est fondamental et obligatoire dans une recherche d’identification. Analyse de l’objet social d’une personne morale religieuse, existence d'une communauté de fidèles, reconnaissance historique, publique et sociale; décisions de l’administration et des juridictions françaises et étrangères, opinion des sociologues, historiens, anthropologues, spécialistes du droit, etc.

De nombreux moyens objectifs permettent au juge d’identifier une religion et de lui appliquer le régime des cultes, de même que toute autre législation spécifique.

***

Le législateur doit se garder de sombrer corps et âme dans la réaction aux phénomènes d'actualité.

Au contraire, le débat doit prendre de la hauteur, comme cela a été le cas de celui de la loi de 1905, afin d’élaborer une législation pérenne qui suscitera l’adhésion.

La loi qui interviendra devra préserver la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, renforcer l’égalité des religions en tenant compte de leur diversité, assurer une conception large et inclusive du concept de religion et d’exercice public du culte, réaffirmer le principe de libre organisation des cultes, tout en préservant l’ordre public d’une manière proportionnée.

Ce n’est que de cette manière que le législateur préseivera l’acquis de la loi de 1905 en l’adaptant à la société contemporaine.

VII. CONCLUSION: APPLICATION AU PROJET DE LOI CONPORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE [⬆︎]

Le projet de loi, dans son Titre II, cherche tout d’abord à simplifier l’accès à l’association cultuelle de loi 1905, comme annoncé dans l’exposé des motifs. Puis il entend imposer

également aux associations cultuelles de prévoir des règles de fonctionnement garantissant une meilleure maîtrise par leurs membres des décisions importantes prises par l’association, en soumettant à la décision d’un organe deliberant l’adhésion des nouveaux membres, les modifications statutaires, les cessions immobilières et, sauf si cela ne relève pas des compétences de l'association, le recrutement des ministres du culte.

L’objectif de cette disposition est « de mieux lutter contre les tentatives de prise de contrôle par des groupes radicaux ou contre des dérives pouvant aboutir à l’appropriation du fonctionnement associatif par certains individus ».

Puis il modifie la loi de 1907, afin « d’assujettir les associations simplement declares ayant un objet en tout ou partie cultuel, dites association' “mixtes’, aux obligations essentielles imposées aux associations cultuelles ». On l’a compris d’après les déclarations du gouvemement, l’objectif est d’encourager les associations cultuelles ou mixtes (musulmanes principalement, mais pas seulement) qui  jusque-là avaient choisi de se constituer sur le fondement de la loi de 1901, à entrer dans le cadre de la loi de 1905 qui offre à la fois des avantages fiscaux indubitables, mais qui contient aussi son lot de contraintes que n”ont pas à supporter pas les associations de loi 1901.

Les dispositions suivantes, dans leur ensemble, tendent à renforcer le contrôle étatique des cultes (voir à ce propos le pouvoir du représentant de l’État qui pourra, dans les deux mois suivant la declaration obligatoire, s’opposer au bénéfice des avantages de la loi pour un motif d’ordre public, ou s’il constate que l’association ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions prévues par les articles 18 et 19 de la loi). On comprend aisément, dans le contexte actuel, ce qui pousse le gouvemement à vouloir renforcer ce contrôle. Cependant, il existe plusieurs écueils a éviter, et le texte tel qu’il est conçu dans sa version transmise au Parlement ne nous semble pas abouti quant à cela.

Tout d’abord, le principe d’autonomie et de libre organisation de chaque culte selon sa propre constitution inteme, et sous les seules réserves du respect de l'ordre public, implique que toutes les associations à objet religieux devraient jouir des mêmes avantages. Il ne peut y avoir une sous-catégorie d'associations de la loi de 1901 à objet religieux qui n'ont que les inconvénients et pas les avantages de l’association cultuelle, sans porter atteinte au principe susmentionné et au principe de non-discrimination.

Ensuite, il faut éviter la contradiction qui ferait que d’un côté, on encourage les associations religieuses à se placer dans le cadre de la loi de 1905, et que de l’autre, on en décourage par une application arbitraire ou trop large de la notion d’ordre public, mais aussi par référence à « la célébration de cérémonies organisées … », excluant de facto les associations dont la constitution inteme et les moyens d’accomplissement des rites ne rentrent pas dans le cadre de cette vision étriquée.

Comme nous l’avons vu, la loi de 1905, d’inspiration libérale, avait pour intention de mettre tous les cultes, c’est-à-dire toutes les religions, sur un pied d’égalité, et de respecter la libre organisation des cultes dans le respect de l’ordre public. Si l’on peut comprendre que le Gouvemement comme le législateur souhaitent renforcer le contrôle étatique des cultes, une bonne réforme devrait inscrire dans la loi le fait que le respect de l'ordre public ne doit pas servir directement ou indirectement à limiter la diversité religieuse et à rompre l'égalité de toutes les religions.

Lors de la procédure par laquelle le Préfet vérifie le caractère cultuel de l'association et dans le cas où il refuse le bénéfice de la loi de 1905 pour des raisons d'ordre public, le trouble évoqué devrait être actuel, avéré, et suffisamment grave pour justifier de priver une association des avantages du statut cultuel.

La loi devrait aussi réaffirmer l’autonomie conceptuelle et organisationnelle des cultes, pour sortir de la définition aujourd’hui dépassée du culte donnée par le Conseil d'État.

La loi devrait aussi inscrire le principe de conception large de ce que l’on entend par « activités exclusivement cultuelles ». En effet, il est indispensable, pour s’adapter à l’évolution du paysage religieux français tel qu’il apparaît aujourd’hui, de prendre en compte le fait que de nombreuses associations religieuses ont des activités cultuelles centrées sur l’enseignement, ou sur des pratiques individuelles ou collectives qui sortent du cadre des célébrations « de cérémonies organisées… ». De plus, la loi devrait spécifier que se comprennent comme activités exclusivement cultuelles toute activité accessoire s’y rattachant par un lien suffisant, à l’exclusion des activités sociales, philanthropiques, caritatives, ou culturelles.

Il faudrait aussi y inscrire le principe d'autonomie des cultes, qui garantit la libre organisation des religions en fonction de leurs principes religieux.

Cette loi offre une opportunité unique de conjuguer un renforcement du contrôle étatique des cultes avec un renforcement de la liberté attachée a la loi de 1905 et de l’égalité de traitement entre les différents cultes, mais aussi de modemiser la loi pour que son esprit initial soit respecté mais que son application corresponde à la réalité religieuse actuelle de la France.

Comme le dit le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, « l’apparition et l’essor de cultes qui n’avaient pas la même place au moment de la séparation, l’islam en particulier mais aussi les nouvelles expressions chrétiennes ou les cultes orientaux, ont soulevé des questions nouvelles. Dans la plupart des cas, ces religions ont été réticentes à constituer des associations cultuelles ... ».

Il appartient au législateur de faire en sorte que la loi permette de pallier cette difficulté, en s’assurant que l’accès au statut d’association cultuelle de loi 1905 soit facilité, et attractif.

Pour le dire simplement, le renforcement du contrôle étatique n’a de justification que tant qu’il conceme la nécessité de pouvoir lutter contre la menace terroriste, que ce soit par exemple en contrôlant les financements venus de l’étranger pour les interdire « lorsque les agissements de l’association bénéficiaire ou de l’un de ses dirigeants ou administrateurs établissent l’existence d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société » (article 35, III du projet de loi), ou en fermant temporairement des lieux de culte « dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes ou tendent à justifier ou encourager cette haine ou cette violence » (article 44 alinéa 2 du projet de loi).

Mais pour arriver à ce que la réforme puisse atteindre ses buts, il faut s’assurer que l’esprit de liberté de la loi de 1905 soit préservé, et que la grande majorité des cultes qui ne représentent pas de menace terroriste, ne provoquent pas à la haine ou à la violence, puissent non seulement avoir accès aux avantages du statut d’association cultuelle, mais aussi que cet accès soit facilité, encouragé et attractif.


References

[1] ⬆︎ Conseil constitutionnel, décision no 2012-297 QPC du 21 février 2013, Association pour la promotion et Pexpansion de la laïcité [Traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle].

[2] ⬆︎ CE, Ass., avis du 24 octobre 1997, « Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Riom ».

[3] ⬆︎ idem

[4] ⬆︎ Conseil constitutionnel, décision no 2012-297 QPC du 21 février 2013, Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité [Traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle].

[5] ⬆︎ Léouzon Le Duc, « Les origines du budget des cultes », Annales de l’école libre des sciences politiques, Tome IV, p.291-293).

[6] ⬆︎ M. de Marcère, « Vision d’un siècle », 1914, p. 290, Cité par DIMENSIONS ANTICLERICALES DE LA CULTURE REPUBLICAINE (1870-1914), par jacqueline Lalouette, in Persée, 1991, p. 127.

[7] ⬆︎ M. Le comte de Boni de Castellane, Délibérations sur le projet de Séparation des Eglises et de l'Etat, 3ème séance de la Chambre du 27 mars 1905, p.16.

[8] ⬆︎ Aristide BRIAND, « Rapport de la Commission relative a la Séparation des Eglises et de l’Etat, 8ème législateur, session de 1905 », p.4.

[9] ⬆︎ Débats parlementaires, Chambre des députés, J.O., Séance du 20 avril 1905.

[10] ⬆︎ J. JAURES, débats parlementaires, Chambre des députés, J.O., 2ème séance, du 21 avril 1905.

[11] ⬆︎ Jean BAUBEROT, « Jean JAURES et la laïcité de 1905 », blog: laïcité et regard critique sur la société, sur Mediapart.

[12] ⬆︎ Procès-verbal de délibérations de la loi de 1905, 2ème séance du 23 mars 1905, p.52.

[13] ⬆︎ Aristide BRIAND, « Rapport au nom de la Commission relative à la Séparation des Eglises et de l'Etat et à la dénonciation du concordat chargé d'examiner le projet de loi et les diverses propositions de loi concernant la Séparation des Eglises et de l’Etat », p.3.

[14] ⬆︎ Intervention de JEAN-MARC SAUVE, vice-président du Conseil d'Etat: « La France est une République laïque... », Diner annuel de la Grande Loge de France, Samedi 21 septembre 2013, p.3-4.

[15] ⬆︎ Conseil d'Etat, rapport public 2004: « Un siècle de laïcité », p.264-265.

[16] ⬆︎ Elsa FOREY, « Etat et institutions religieuses », Presses universitaires de Strasbourg, 2019, p.329.

[17] ⬆︎ CE, Avis du 25 octobre 2005, n° 190699.

[18] ⬆︎ CE, ord. réf., 25 août 2005, Commune de Massat, AJDA 2006, p. 91.

[19] ⬆︎ Conseil d'Etat, rapport public 2004: « Un siècle dc laïcité », p.277-278.

[20] ⬆︎ Article 44 de la loi: « sont et demeurent abrogés toutes les dispositions relatives à l’organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l’État ».

[21] ⬆︎ Dalloz, « Jurisprudence générale, Jurisprudence générale. Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence, Associations illicites », T. V, 1846, « associations Illicites », p. 279-310.

[22] ⬆︎ Délibérations sur le projet et les propositions de loi concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, 4ème séance du 28 mars 1905, intervention du député Plichon, p.24 et 2.

[23] ⬆︎ Portalis, Dalloz, « Jurisprudence générale, Jurisprudence générale. Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence, Culte », T. XIV, p. 758.

[24] ⬆︎ RITA HERMON-BELOT, « La genèse du système des cultes reconnus: aux origines de la notion française de Reconnaissance », Archives de sciences sociales des religions, n°129 janvier – mars 2005, p.8.

[25] ⬆︎ M. Dalloz aîné, « Jurisprudence générale. Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence », t. XIV, Paris, Dalloz, 1853, p. 743.

[26] ⬆︎ Délibérations sur le projet et les propositions de loi concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, 4ème séance du 28 mars 1905, intervention du député Louis Barthou, p.64.

[27] ⬆︎ Aristide Briand, « Rapport au nom de la Commission relative à la Séparation des Eglises et de l’État et à la dénonciation du concordat chargé d’examiner le projet de loi et les diverses propositions de loi concernant la Séparation des Églises et de l'État », p.123.

[28] ⬆︎ Jean-Marie Woehrling, « Réflexions sur le principe de neutralité de l’État en matière religieuse et sa mise en œuvre en droit français », Archives de sciences sociales des religions, 1998, 101, p.40.

[29] ⬆︎ Supra, p.48

[30] ⬆︎ CEDH, Grande Chambre, Izzetin et Doga et autre c. Turquie, no 62649/ 10, 26 avril 2016, §.114

[31] ⬆︎ Aristide Briand, « Discours du 3 juillet 1905 sur la Séparation de l'Église et de l'État ».

[32] ⬆︎ ANNALES DE LA CHAMBRE DES DEPUTES, 10 avril 1905, p.1623 et 1628.

[33] ⬆︎ CA Paris, 4 décembre 1912, DP, 1914, II, p. 213.

[34] ⬆︎ CEDH, Église Métropolitaine de Bessarabie, §§ 118 et 123, et Hasan et Chaush c. Bulgarie [GC].

[35] ⬆︎ Conclusions sur CE, Ass., 24 octobre 1997 (avis), Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Riom, RFDA 1998, p. 68.

[36] ⬆︎ Jean-Marie Woehrling, « Le principe de neutralité confessionnelle de l’État », C.N.R.S., Editions Société, droit et religion, 2011/1 Numéro 1, p.70.

[37] ⬆︎ Traité de droit des religions, Jurisclasseur, 2003, 2156.

[38] ⬆︎ « Observation générale no 22: Article 18 (Liberté de pensée, de conscience et de religion) ».

[39] ⬆︎ Conseil de l'Europe/Cour européenne des droits de l'homme, Aperçu de la jurisprudence de la Cour en matière de liberté de religion, janvier 2011, n° 10;

[40] ⬆︎ CEDH, Église métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldavie, no 45701/99, §.105, CEDH 2001, XII; CEDH, Grande Chambre, Izzetin et Doga et autre c. Turquie, no 62649/10, 26 avril 2016, §.94.

[41] ⬆︎ CEDH, Grande Chambre, Izzetin et Doga et autre c. Turquie, n° 62649/10, 26 avril 2016, §.94.

[42] ⬆︎ CEDH, Association Les Témoins de Jéhovah c. France, n° 8916/05, §.53, 30 juin 2011; Association Cultuelle du Temple Pyramide c. France, n° 50471/07, §§.3435, 31 janvier 2013; Association des Chevaliers du Lotus d’Or c. France, n° 50615/07, §§.33-34, 31 janvier 2013.

[43] ⬆︎ Supra, 53 et 114.

[44] ⬆︎ CEDH, Eglise de Scientologie de Moscou c. Russie, n° 18147/02, §§.71-72; CEDH, Eglise Métropolitaine de Bessarabie et alia c. La Moldavie, n° 45701/99, § 114, CEDH 2001-XII.

[45] ⬆︎ CEDH, Mirolubovs et autres c. Lettonie, n° 798/05, 15 septembre 2009 §, Erreur! Document principal seulement.

[46] ⬆︎ CEDH, Grande Chambre, Izzetin et Doga et autre c. Turquie, n° 62649/10, 26 avril 2016, §.178.

[47] ⬆︎ CEDH, Grande Chambre, Izzetin et Doga et autre c. Turquie, n° 62649/10, 26 avril 2016, §.114; Kimlya et autres c. Russie, nos 76836/01 et 32782/03, §86.

[48] ⬆︎ La Commission européenne pour la démocratie par le droit, « Lignes directrices visant l’examen des lois en matière de religion ou de convictions religieuses » cité §.40 de CEDH, Grande Chambre, Izzetin et Doga et autre c. Turquie, n° 62649/10, 26 avril 2016, §.114; Kimlya et autres c. Russie, nos 76836/01 et 32782/03.

[49] ⬆︎ Cour eur. DH, 25 février 1982, Campbell et Cosans c/ Royaume-Uni, Série A n° 48 § 36, Cah. Dr. Eur. 1986 p. 230 observations G. Cohen-Jonathan, Journ. Dr. Int. 1985 p. 191 observations P. Rolland et P. Tavernier.

[50] ⬆︎ Com. eur. DH, ler décembre 1981, X c/ RFA, DR 24/141. Cf aussi: P. Rolland, Ordre public et pratiques religieuses, in J.-F. Flauss (éd), La protection internationale de la liberté religieuse/International protection of religious freedom, Op. cit., p. 231s., spécialement p. 245.

[51] ⬆︎ CEDH, Grande Chambre, Izzetin et Doga et autre c. Turquie, no 62649/10, 26 avril 2016, §.107; Mansur Yalcin et autres c. Turquie, n° 21163/ 11 du 16 septembre 2014, §.70.

[52] ⬆︎ AN, Séance du 3 octobre 1968, annexe 313, p.95.

[53] ⬆︎ Conseil d'État, rapport public 2004: « Un siècle de laïcité », p.284.

[54] ⬆︎ Jean-Marie Woehrling, « Le principe de neutralità confessionnelle de l’État » C.N.R.S. Editions « Société, droit et religion », 2011/1 Numéro 1, p.70.

[55] ⬆︎ Com. eur. DH, 4 octobre 1977, X c/ Royaume-Uni, D 11/55. Si la mention de la religion des détenus sur les registres de la prison s’accompagne de l'octroi de certaines facilités, il faut, au moins dans un cas particulier, qu’il s'agisse d’une religion identifiable.

[56] ⬆︎ CA Toulouse, 12 janvier 2005, n° 04100563.

[57] ⬆︎ CEDH, Kymlia et autres c. Russie, nos 5 76836/01 et 32782/O3, § 85, CEDH 2009; CEDH, Grande Chambre, Izzetin et Doga et autre c. Turquie, no 62649/10, 26 avril 2016, §.94.

[58] ⬆︎ Supra, p.123 et 126.

[59] ⬆︎ Louise-Violette Méjan, « La Séparation des Églises et de l’État. L’oeuvre de Louis Méjan », Paris, PUF, 1959, p. 1/76-177; Jean-Marie Mayeur, « La Séparation des Églises et de l’État », Paris, Editions Quvfiefes, 1991, p.51.

[60] ⬆︎ Gérard Unger, « Les débats parlementaires lors de la loi de 1905 », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 78, 2005, p.13.

[61] ⬆︎ Aristide Briand, « Rapport fait sur la Séparation des Églises et de l’État, 8ème, Législature, session de 1905 », p.103.

[62] ⬆︎ Cité par Christophe Bellon, « Les parlementaires socialistes et la loi de 1905 », L'Harmattan in « Parlement[s], Revue d'histoire politique », 2005/1, n° 3, page 122 et 124.

[63] ⬆︎ Ch. des députés, Séance du 20 avril 1905.

[64] ⬆︎ Jurisclasseur, « Traité de droit des religions », 2003, n° 2156.

[65] ⬆︎ Avis du 8 décembre 1923, cité par J. P. Durand, « Régime de droit commun de la séparation des cultes et de l'État », in Droit canonique, p. 548-549, n° 831.

[66] ⬆︎ CE, avis n° 185707 du 13 décembre 1923.

[67] ⬆︎ CEDH, Église de Scientologie de Moscou c. Russie, n° 18147/02, §72.

[68] ⬆︎ CE, 22 mars 2000, Mlle Marteaux; CE, 16 mars 2005, Mlle Marteaux; CE , 16 mars 2005, Ministre de l’Outre-Mer, AJDA, 2005, p.1463).

[69] ⬆︎ Rapport public 2004, « Un siècle de laïcité », EDCE n° 55, La Documentation française, 2004.

[70] ⬆︎ CE, Ass., avis du 24 octobre 1997, « Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Riom ».

[71] ⬆︎ Supra.

[72] ⬆︎ Arrighi de Casanova, conclusions en 1997 portant sous C.E. Ass., 24 octobre 1997, Assemblée locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Riom, Revue français de droit administratif, 1998, p.61-69, note G. Gonzalez.

[73] ⬆︎ Délibérations sur le projet de loi de séparation des Églises et de l‘État, 4ème séance du 28 mars 1905, p.10.

[74] ⬆︎ Aristide BRIAND, « Rapport fait sur la Séparation des Églises et de l'État, 8ème, Législature, session de 1905 », p.23.

[75] ⬆︎ Supra, p.114.

[76] ⬆︎ Supra, p.125.

[77] ⬆︎ CE, Union des athées, 17 juin 1988, n° 63912.

[78] ⬆︎ Com. Euro DH, Requête N314635/89, Union des Athées contre la France, « RAPPORT DE LA COMMISSION adopté le 6 juillet 1994 », §.§78-79.

[79] ⬆︎ Comité des Ministres, annexe de la Résolution finale adoptée le 26 février 2001.

[80] ⬆︎ Mirolubovs et autres c. Lettonie, n° 798/05, 15 septembre 2009, § Erreur! Document principal seulement. renvoyant à CEDH, Thlimmenos c. Grèce [GC], n° 34369/97, § 44, CEDH 2000-IV.

[81] ⬆︎ Supra, p.9.

[82] ⬆︎ André Bonnet, Commissaire du gouvernement, « Qu'est-ce qu'un édifice affecté au culte ? » AJDA 2004 p.271.

[83] ⬆︎ Jean Paul WILLAIME, « Qu'est-ce que le faitreligieux ? », introduction au rapport Debray -2002 sur l'enseignement du fait religieux dans l’Ecolelaïque, site internet hggc.fr

[84] ⬆︎ Jean-Marie WOEHRLING, « Le principe de neutralité confessionnelle de l’État », C.N.R.S. Edition Societè, droit et religion, 2011/1 Numero 1, p.70.

[85] ⬆︎ Jean-Claude GROSHENS, « La loi de 1905 et le régime des cultes d’aujourdhui », Institut protestant de théologie « Études théologiques et religieuses », 2007/ 1 Tome 82, p. 86.

[86] ⬆︎ Alain BOYER, « Comment l'Etat laïque connaît-il les religions ? », Archives de sciences sociales des religions, 129 | janvier - mars 2005, La République ne reconnaît aucun culte.

[87] ⬆︎ CA Rennes, ch.6, 5 avril 2011 : JurisData, n° 2011-018012.

[88] ⬆︎ Isabelle RIASSETTO, Droit privé de la religion, dans Société, droit et religion, 2013, 1 (Numéro3), p.261 à 282.


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